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BUSINESS CASE
Fonds norvégien : comment piloter une stratégie de finance durable dans un monde en pleines crises !
Depuis vingt ans le fonds norvégien, l’un des premiers actionnaires mondiaux, donne le la sur les politiques d’investissement responsables des grands investisseurs institutionnels européens. Leader de la finance éthique il a commencé par publier une liste noire des entreprises qui ne respectaient pas les droits humains. C’était l’époque où Total était exclu de ses investissements pour les accusations de complicité de travail forcé en Birmanie. Dix ans plus tard, les ONG environnementales ont critiqué cette stratégie qui consistait à aligner les placements dédiés aux Norvégiens sur leurs valeurs démocratiques sans tenter de compenser les dommages environnementaux provoqués par l’exploration pétrolière en Mer du Nord, principale source de la richesse du pays.
Sur le plan environnemental la politique du fonds a longtemps reflété celle du pays qui est à la fois un champion de la protection de la nature, disposant du taux de voiture électrique par habitant le plus élevé au monde, mais aussi l’un des principaux contributeurs du réchauffement climatique à travers les énergies fossiles qu’il explore. Attaqué sur ce paradoxe au début des années 2010, le fonds norvégien a commencé à investir dans les énergies renouvelables. En 2013, le WWF lui demandait d’y consacrer 5% de ses encours. En 2021, le fonds a lancé un fonds climat doté de 1,14 milliard de dollars soit un peu moins d’1% de ses encours actuels. La Norvège est donc encore loin d’être sortie de ses contradictions.
En avance sur l’exclusion du charbon
Quelques mois avant l’Accord de Paris, en mai 2015, le Parlement avait voté à l’unanimité l’exclusion du charbon de la politique d’investissement du fonds ce qui a contribué à généraliser les exclusions charbon des portefeuilles d’investisseurs engagés sur le climat. Mais sa stratégie de finance durable est, à partir de là, bâtie sur une politique active d’engagement actionnarial basée sur l’analyse ESG des entreprises dans lesquelles il investit.
Le fonds n’a cessé de se développer et, malgré les pertes importantes engrangées en 2022 sur des marchés bousculés, il a dépassé en 2023 les 1300 milliards de dollars d’encours, contre 800 en 2015. Mais la guerre en Ukraine menée par la Russie, son voisin menaçant, l’a conduit à s’interroger sur la façon d’intégrer des bouleversements géopolitiques comme celui-ci qui peuvent peser de tout leur poids sur les marchés financiers. Il a donc commandité un rapport, sorti en septembre, titré "Le fonds norvégien (GPFG) dans un monde qui change". Celui-ci recommandait la création d’une nouvelle instance, un comité chargé d’évaluer et superviser la stratégie financière du fonds pour qu’il puisse s’adapter très vite. Le fonds norvégien détenait de très nombreux actifs en Russie dont la dépréciation spectaculaire a eu des impacts importants.
Une stratégie climatique paradoxale
Ce projet vient d’être abandonné. Le fonds qui dépend politiquement du ministère des Finances, est géré par NBIM, une société de gestion dédiée, et ne veut pas de "confusion" sur le pilotage de la fortune des Norvégiens. À la place, il a décidé de créer un conseil climatique chargé de lui faire des recommandations sur les risques financiers liés au climat tout comme les opportunités. Cette nouvelle entité doit mettre en œuvre la stratégie permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Elle compte parmi ses membres Jody Freeman, membre du conseil de ConocoPhillips, Jennifer Morris qui dirige une organisation de conservation de la nature, et Bjørn Otto Sverdrup qui est l’ancien vice-président CSR d’Equinor, la compagnie pétrolière norvégienne et, depuis 2021, le directeur de l’OGCI, l’initiative pétrole et gaz sur le climat dont le programme est de décarboner l’industrie. En septembre 2022, la compagnie pétrolière américaine ConocoPhillips a proposé au fonds norvégien un plan de développement de plus d’un milliard de dollars pour identifier et explorer de nouveaux gisements en Mer du nord. Le fonds norvégien poursuit ainsi sa stratégie climatique paradoxale pour atteindre la neutralité carbone.■
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