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BUSINESS CASE
FTX, plateforme d’échange de cryptomonnaies, s’effondre sous le poids des controverses
Et le château de cartes s’effondre. FTX, la deuxième plus importante plateforme d’échange de crypto-actifs valorisée jusqu’à 32 milliards de dollars, a fini par se placer sous la protection du fameux Chapter 11, la loi américaine sur les faillites, après plusieurs semaines d’incertitudes et de controverses. Son fondateur, Sam Bankman-Fried a cédé sa place de dirigeant de la plateforme à John Ray, un spécialiste des sociétés en difficultés qui s’était illustré notamment par la liquidation de la société Enron au début des années 2000.
FTX est une place de marché qui permet à ses clients d’acheter et de vendre des crypto-actifs avec des monnaies traditionnelles. La société est jeune, elle a été créée en 2019, mais elle s’est rapidement taillé une réputation de sauveur des cryptos, son fondateur travaillant notamment pour mieux réguler ce marché. Mais l’envers du décor s’est avéré moins flatteur. La société fait désormais l’objet d’enquêtes de la part du Département de la justice américain et de la Securities and exchange commission (SEC), le gendarme des marchés financiers, pour vérifier la conformité à la loi de la conduite des affaires au sein de la place de marché.
Perte de confiance dans la plateforme
Ce sont plus précisément les relations entre FTX et Almeda research, un fonds d’investissement appartenant aussi à Sam Bankman-Fried, qui ont déclenché le scandale. Les autorités américaines enquêtent sur la possibilité que l’argent déposé par les clients de FTX sur la plateforme d’échange ait été utilisé par Alameda, dont l’activité consistait à spéculer sur le cours des cryptomonnaies. Une pratique strictement interdite par la réglementation américaine. Une enquête du média Coindesk de début novembre 2022 avait en effet révélé que les actifs d’Alameda étaient en grande partie composés de FTT, une cryptomonnaie émise uniquement par FTX.
Ces révélations ont précipité la chute de la place de marché. Les clients ont rapidement perdu toute confiance dans le modèle de la plateforme et cherché à récupérer leurs billes. Binance, le plus gros concurrent de FTX, ne cache pas ses craintes face à ces pratiques et décide rapidement de retirer ses fonds placés sur la plateforme. Cette décision met le feu aux poudres, les autres clients craignant pour leurs propres placements. Le 6 novembre, la plateforme fait face à une demande de retrait de quelque 5 milliards de dollars, à laquelle elle peine à répondre.
Si Sam Bankman-Fried a tenté, dans un premier temps, de rassurer sur la situation financière de sa société, le manque de fonds est vite apparu flagrant. Le fondateur a ainsi cherché pendant le mois de novembre à lever des fonds pour se renflouer. Sans succès. Il s’est même tourné vers Binance dans une tentative pour se faire racheter. Binance, qui avait donc déjà retiré ses fonds de la plateforme, a refusé le rachat le 9 novembre après un examen rapide des comptes. Selon le Financial Times, FTX ne disposait plus que de moins d’un milliard de dollars d’actifs, pour un passif de l’ordre de 9 milliards de dollars.
Tout le secteur entraîné dans le scandale
L’enquête risque de se révéler ardue. La déclaration de faillite concerne trois sociétés, le hedge fund Alameda, FTX et FTX.us, l’entité purement américaine. Mais la galaxie FTX est en fait une nébuleuse de plus d’une centaine d’entités, dont les relations et les activités ne sont pas bien connues. Le tout étant logé aux Bahamas.
C’est en fait l’univers entier des cryptos qui se trouve entraîné dans le scandale. Les échanges de crypto-actifs peinent toujours à démontrer leur utilité, leur activité se cantonnant à de la spéculation pure et simple sur des actifs numériques virtuels, même si certaines initiatives tendent à se rapprocher des pratiques de la finance durable. Mais c'est aussi la probité de ces plateformes qui est souvent remise en question. Binance, le numéro un du secteur, a ainsi suscité une levée de boucliers lorsqu’elle a obtenu une accréditation de l’Autorité des marchés financiers pour exercer en France, alors que plusieurs autres régulateurs s’y étaient opposés. La chute de FTX ne va donc pas leur faciliter la tâche.
Portera-t-elle un coup fatal à ce secteur ? Dans une conférence donnée en Indonésie, Changpeng Zhao, le dirigeant de Binance, a comparé la faillite de FTX à celle de Lehman Brothers qui, en 2008, avait provoqué une crise financière retentissante. Il a également décidé de monter un fonds de soutien pour les sociétés affectées par la faillite de FTX. "Les cryptos ne disparaissent pas. Nous sommes encore là. Reconstruisons", écrit-il sur Twitter. Sur des bases plus solides et réglementées ?■
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