Patagonia pérennise son actionnariat pour préserver sa mission environnementale

Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia , @Campbell Brewer, Patagonia

BUSINESS CASE

Patagonia pérennise son actionnariat pour préserver sa mission environnementale

Par  Arnaud Dumas | Publié le 16/09/2022

Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, a décidé de se débarrasser de son entreprise ! Pas question de la vendre ou de l’introduire en Bourse, il a préféré la donner à deux structures juridiques qui seront chargées de préserver les valeurs du fondateur et de financer des actions pour la planète. Ce type d'initiative prend de l'ampleur en Europe où les fondations actionnaires sont de plus en plus nombreuses. On en compte une vingtaine en France.

La marque américaine de vêtements de sport fait, depuis ses débuts, figure de pionnière. Yvon Chouinard, son fondateur, continue de creuser son sillon avec sa décision de céder son entreprise à deux nouveaux actionnaires mais, c’est la surprise, il ne s’agit pas d’investisseurs traditionnels. Le Patagonia Purpose Trust et le Holdfast Collective vont désormais se partager 100 % des actions de l’entreprise, avec pour mission de pérenniser son activité tout en préservant ses valeurs fondatrices. "Nous faisons de la Terre notre seul actionnaire. Je suis très sérieux lorsqu’il s’agit de sauver cette planète", déclare ainsi Yvon Chouinard.

Pour cela, il a choisi une forme originale d’actionnariat. Toutes les actions avec droits de vote, soit 2 % du capital, sont transmises à un trust (une fiducie, en français). Cette structure juridique s'assure que l’utilisation des droits de vote respecte les valeurs du fondateur, dont la protection des ressources de la planète. Le Patagonia Purpose Trust devra aussi faire en sorte que l’entreprise continue à se développer afin de verser des dividendes. Ceux-ci iront à la deuxième structure juridique, le Holdfast Collective, qui utilisera ces fonds pour des actions de protection de l’environnement, de la biodiversité, des communautés, etc. Soit près de 100 millions de dollars par an.

"Yvon Chouinard a eu une idée très intelligente, en dissociant les pouvoirs de vote et les droits aux dividendes, réagit Virginie Seghers, cofondatrice et présidente de Prophil, un cabinet de conseil dont l’objectif est de mettre les entreprises au service du bien commun. C’est très intéressant en termes de gouvernance, car les bénéfices de l’entreprise servent la Terre, tandis que le trust s’assure que les décisions stratégiques permettent le développement de Patagonia."

Nouvelle forme de gouvernance

L’initiative du fondateur de Patagonia emporte l’adhésion des membres du conseil d’administration. "Je crois que ce plan auquel lui et sa famille ont participé est tectonique. Il rendra l’entreprise plus compétitive et ses employés du monde entier seront à jamais responsabilisés par sa finalité", déclare Kristine McDivitt Tompkins, une administratrice de Patagonia. Sur Twitter, Ayana Elizabeth Johnson se déclare "fière de servir au conseil de direction de Patagonia. À partir de maintenant, la Terre est notre unique actionnaire – TOUS les profits, pour toujours, iront à notre mission de sauver notre planète".


La décision d’Yvon Chouinard est tout particulièrement originale aux États-Unis, où peu d’entreprises sont transmises à des fondations. Les trusts sont très répandus mais servent tout type d’intérêts. "Patagonia a ouvert la voie des Benefit Corporations, peut-être ouvrira-t-elle aussi la voie à ce nouveau type de transmission", remarque Virginie Seghers. En Europe, la tendance commence à émerger. Une étude de Prophil montrait ainsi que certains pays, comme le Danemark, étaient même très en avance sur la question : il y existe quelque 1300 fondations actionnaires d’entreprises, qui reversent leurs dividendes à des causes philanthropiques. 

En France aussi le mouvement prend de l’ampleur. Prophil compte une vingtaine de fondations actionnaires, organisées en général sous forme de fonds de dotation ou de fondation d’utilité publique, dont une quinzaine sont réunis au sein de la communauté De Facto. Charles Kloboukoff, le fondateur de l’entreprise Léa Nature, est l’un des derniers en date à avoir choisi ce mode de transmission. Avec sa famille, il a créé un fonds de dotation baptisé Fondaction Ficus, qui deviendra progressivement majoritaire dans le capital pour rester un actionnaire stable de la société. "C’est un acte fort de se déposséder de l’entreprise, cela montre que l’entreprise n’appartient à personne, estime Virginie Seghers. La fondation actionnaire, qui est un acte beaucoup plus engageant que le statut de société à mission, est un moyen de réinventer et de réenchanter le capitalisme !"■

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