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BUSINESS CASE
TechToo : Les actionnaires de Microsoft s’intéressent au harcèlement sexuel
"Investissez dans le monde dans lequel vous voulez vivre", le slogan d’Arjuna Capital, société de gestion américaine entièrement ESG, dirigée par Natasha Lamb, a particulièrement résonné à l’assemblée générale de Microsoft fin novembre. Elle a déposé une résolution pour obtenir de l’information sur le traitement des affaires de harcèlement sexuel au sein de l’entreprise, à commencer par les accusations visant son fondateur Bill Gates.
Arunja Capital a ainsi déclenché la première révolte des actionnaires qui ont soutenu à 78 % une résolution contre le management du géant de la Tech. Elle leur demandait de publier un rapport "évaluant l’efficacité des politiques de l’entreprise en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, y compris les résultats de tout audit indépendant, l’analyse des politiques et des pratiques et les engagements à créer un environnement de travail sûr et inclusif".
S’il était, en filigrane, question de faire la lumière sur l’affaire concernant les relations du fondateur de l’entreprise Bill Gates avec une employée, Arunja Capital fait d’abord le lien entre harcèlement sexuel et diminution de la création de valeur dans une entreprise, fusse-t-elle l’un des GAFAM. "Le harcèlement sexuel et la discrimination fondée sur le sexe peuvent nuire à la valeur actionnariale – entraînant une productivité moindre, une augmentation de l’absentéisme et des coûts de congé de maladie plus élevés", explique Natasha Lamb dans le document qui a obtenu l’adhésion de plus de trois quarts des actionnaires. Elle a réagi à ce succès en estimant qu’"un signal fort avait été envoyé qui montre que les facteurs ESG comme le harcèlement sexuel, comptent pour les investisseurs et les entreprises".
Microsoft publiera de nouveaux indicateurs
Après avoir demandé aux actionnaires de voter contre la résolution, les dirigeants de l’entreprise, le PDG Satya Nadella comme le président Brad Smith, ont fait des déclarations sur l’importance à accorder au harcèlement sexuel au vu du score obtenu. Ils ont évoqué "la nécessité de le prévenir au mieux avec des politiques adaptées sur lesquelles il s’engage à faire toute la transparence".
Après le vote, Brad Smith a donné un aperçu des types de données que la société envisage de publier. Par exemple, a-t-il déclaré, Microsoft a reçu 51 plaintes d’employés au cours de son exercice financier récemment terminé dont 47 % étaient justifiées. C’est beaucoup moins que les 142 plaintes de l’année précédente, mais le dirigeant de Microsoft reconnaissait que la baisse était vraisemblablement due au passage massif au télétravail
Il est intéressant de noter qu’Arjuna Capital a obtenu un autre succès plus modeste avec une autre résolution demandant à l’entreprise de déclarer son écart salarial médian, selon la race et le sexe. Elle a recueilli 40 % de soutien auprès des actionnaires. Les dirigeants de Microsoft ont donc estimé que "cette proposition était, franchement, un bon coup de pouce qui va les inciter dès l’année prochaine à prendre davantage de mesures pour publier les données sur l’écart salarial médian à Microsoft partout dans le monde".
Le soutien affiché des actionnaires de Microsoft aux propositions d’un fonds ESG comme Arunja Capital marque un changement de paradigme. Brad Smith, le président de Microsoft, estime qu’il y a "presque un changement radical" dans les relations entre les actionnaires et les grandes entreprises. Il a ajouté "à certains égards, la nature de la conversation est même en train de changer, pas seulement chez Microsoft, mais plus largement".
Morale de cette AG mouvementée : il ne faut pas négliger les risques ESG surtout si vous êtes la valeur la plus sélectionnée dans les fonds durables américains ! Entre le 29 novembre, jour de l’AG et le 3 décembre, l’action Microsoft a perdu près de 14 dollars.■
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