2022 : Une année de grand débat pour la finance durable

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L'ACTU

2022 : Une année de grand débat pour la finance durable

Par  Novethic, Anne-Catherine HUSSON-TRAORE | Publié le 03/01/2022

Taxonomie et Impact seront les maîtres mots des débats qui ont déjà commencé à agiter la finance durable. L’introduction in extremis du gaz et du nucléaire dans la taxonomie destinée à tracer le chemin du Pacte vert européen, menace la crédibilité de la colonne vertébrale du plan d’action sur la finance durable. Quant à l’impact environnemental et social de la finance durable, il semble beaucoup trop limité pour de nombreux experts. Résumé des enjeux clefs sur ces deux grands débats qui vont animer l’année.

Taxonomie : avec du nucléaire et du gaz est-elle toujours aussi verte ? 

Le 9 décembre naissait la taxonomie avec la publication de l’Acte Délégué créant le premier référentiel d’activités vertes européen. Les activités qui y sont listées avec des seuils et des précisions techniques basés sur la science ont été élaborés depuis trois ans par experts qui travaillent sans relâche au sein de la plateforme créé par la Commission. La taxonomie doit indiquer la voie à suivre pour atteindre les objectifs environnementaux ambitieux du Green Deal et devenir l’étalon partagé du verdissement de l’économie.

À l’heure actuelle, ces activités purement bénéfiques pour le climat représentent moins de 5 % de l’activité des entreprises européennes dont le modèle est très marginalement orienté vers le respect de l’Accord de Paris. La taxonomie était supposée parler d’avenir mais les États membres ont voulu y injecter du gaz et du nucléaire. Dans le premier cas, les pays de l’Est comme la Pologne très consommateurs de charbon espèrent ainsi pouvoir financer leur transition du charbon vers le gaz, une énergie toujours fossile mais moins émettrice de CO2. Dans le second cas, cela répond à une volonté de la France et de son président de voir le nucléaire étiqueté énergie de transition pour pouvoir financer les chantiers de construction de nouveaux EPR et la rénovation des centrales existantes, qui devrait coûter 150 milliards d’euros minimum, avec de l’argent européen.

Résultat : La France et l’Allemagne sont profondément divisés, le principe DNSH ("Do no significant harm") est mis à mal puisque si l’énergie nucléaire est décarbonée, les problèmes liés au stockage et à l’enfouissement des déchets sont loin d’être réglés. Enfin, l’introduction d’une énergie fossile comme le gaz dans ce référentiel sur le climat handicape gravement sa crédibilité. C’est ce qu’expliquait Philippe Zaouati, le DG de Mirova, il y a quelques semaines.

Les États pro gaz et nucléaire mettent en péril une pierre angulaire du Green Deal parce qu’ils freinent ainsi la transformation de la production énergétique et organisent une transition progressive qui ne remet pas vraiment en cause leurs modèles actuels. Pascal Canfin, le président de la Commission Environnement du Parlement européen, voulait rester optimiste fin 2021 expliquant que le compromis politique peut éviter la paralysie de tout le dispositif.

La finance durable donne-t-elle priorité à la finance ou à la durabilité ? 

À l’automne 2021 les attaques se sont multipliées contre les limites des fonds indiciels ESG toujours plus gros en volumes mais dont la capacité de transformation de l’économie reste anecdotique. En 2022 le débat devrait s’élargir à toute la finance durable face aux difficultés à démontrer ses impacts environnementaux et sociaux dans l’économie réelle. La transformation promise depuis le grand virage de 2015 sur les énergies fossiles tarde à venir d’autant plus que les régulations concernent d’abord le reporting. 

L’analyse ESG, la normalisation des données produites par les entreprises sur laquelle l’EFRAG travaille d’arrache-pied ou la qualité des informations fournies par les fonds durables désormais soumis aux obligations SFDR seront au cœur de nombreux débats. Mais pour Christophe Revelli, Professeur de finance durable à Kedge Business School, cela ne suffira pas à changer la donne: "Faire de la finance durable dans des racines financières ne permettra certainement pas l'atteinte des objectifs fixés pour la reconstruction écologique et sociale. L'ESG reste trop souvent une variable d’ajustement matérielle de risques et de cash-flows actualisés, qui doit permettre de rester aligné avec les objectifs de responsabilité fiduciaire qui sont de créer de la valeur financière pour les actionnaires et les clients", explique-t-il. Pour lui, il faut "repenser la boîte à outils de la finance durable mais aussi son ancrage théorique et paradigmatique".

Il relance ainsi le débat sur la réorientation des flux financiers pour financer la transition écologique et énergétique. Son orientation permettra ou non de faire de 2022 une année de "Sustainability First".■  


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