Afghanistan : la banque centrale est à sec et l’ancien gouverneur explique pourquoi aux Talibans

@Massoud Hossaini/AFP

L'ACTU

Afghanistan : la banque centrale est à sec et l’ancien gouverneur explique pourquoi aux Talibans

Par  Novethic, Arnaud DUMAS | Publié le 24/08/2021

Les réserves monétaires de l’Afghanistan sont en grande majorité bloquées à l’étranger et l’afflux de liquidités internationales, nécessaires pour maintenir à flot l’économie du pays, s’est tari. Ajmal Ahmady, ancien gouverneur de la banque centrale afghane, explique aux Talibans dans une longue série de tweets pourquoi les caisses du pays sont à sec et son inquiétude pour l’avenir économique de la population.

"J’écris ceci car on m’a dit que les Talibans demandent au personnel de la DAB (Da Afghanistan Bank, ndr) où se trouvent les actifs. Si cela est vrai, il est clair qu’ils doivent ajouter un économiste à leur équipe de toute urgence." Ce message a été posté sur Twitter par Ajmal Ahmady, l’ancien gouverneur de la banque centrale Afghane qui a dû fuir le pays lorsque les Talibans ont pris Kaboul. Dans une série de messages, il donne une leçon de finance et d’économie aux nouveaux gestionnaires du pays. Et dessine en creux une situation financière dramatique pour le peuple afghan.


Ajmal Ahmady explique ainsi que la DAB dispose d’environ neuf milliards de dollars de réserves. "Mais cela ne signifie pas que la DAB détient neuf milliards de dollars physiquement dans nos coffres", dit-il, un brin d’ironique. "Selon les normes internationales, la plupart des actifs sont placés dans des actifs sûrs, liquides comme les obligations souveraines ou l’or." Près de sept milliards de dollars étaient ainsi logés aux États-Unis, soit en or, soit en obligation, soit encore auprès de la Banque mondiale. Et s’y retrouvent bloqués, comme moyen de pression contre le nouveau gouvernement taliban. Une technique, somme toute, assez habituelle.

Inquiétude sur les répercussions économiques

L’ancien banquier central s’inquiète des répercussions de cet assèchement des finances sur la population. Sur le personnel de la DAB, d’abord. Il insiste sur le fait qu’ils n’ont pas pris part à une quelconque décision de gel des avoirs de la banque, il s’agit simplement du résultat de sanctions internationales. "Les Talibans ont gagné sur le plan militaire – mais ils doivent maintenant gouverner. Ce n’est pas facile", écrit-il.

La situation budgétaire de l’Afghanistan était en effet déjà particulièrement tendue avant la prise de pouvoir par les Talibans. Le pays dépendait en grande majorité de l’aide internationale pour assurer la liquidité monétaire. Les États-Unis, qui envoyaient des dollars régulièrement, ont coupé net le robinet, les Talibans se trouvant sur les listes de sanctions internationales. Le Fonds monétaire international (FMI) a lui aussi gelé l’accès aux droits de tirage spéciaux, son instrument d’aide internationale.

Le résultat de ce gel d’actifs est déjà clair pour Ajmal Ahmady. "La monnaie va se déprécier. L’inflation va augmenter (…). Cela va affecter les plus pauvres car le prix de la nourriture va augmenter", résume-t-il. Les conséquences se font déjà sentir à Kaboul. Les banques afghanes ont fermé faute d’argent liquide à distribuer. Selon Bloomberg, le prix de certaines denrées alimentaires a augmenté de près de 35 % depuis l’arrivée des Talibans.

Le nouveau gouvernement Taliban vient cependant de nommer un nouveau gouverneur pour la banque centrale, Mohammad Idris, qui dirigeait la commission économique talibane. Sa mission consistera notamment à affronter le problème bancaire. ■

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