@Denis Meyer, ANVCOP21, Alternatiba, Amis de la Terre, Greenpeace
L'ACTU
Assemblée générale sous haute tension pour TotalEnergies
Après le "Shell must fall" scandé à Londres mardi 24 mai, des militants climat ont orchestré au cri de "Total-ement irresponsable" le blocage des portes de l’assemblée générale du pétrolier français, qui se tenait à Paris le 25 mai au matin. Les activistes ont obligé la compagnie pétrolière à revoir ses plans et à tenir son AG à huis-clos et à distance, plutôt que face à une salle remplie de ses actionnaires. Le PDG Patrick Pouyanné, a néanmoins tenté de parer à toutes les critiques. Il s’est félicité du large soutien au vote consultatif sur le rapport climat soumis par l’entreprise aux actionnaires, malgré la mobilisation de certains investisseurs.
La présentation des résultats annuels a été l’occasion d’un premier point d’étape sur le déploiement de la stratégie de transformation du mix énergétique du groupe. Si 3 milliards de dollars ont été consacrés à des acquisitions dans le domaine des énergies renouvelables (environ 22% des dépenses d’investissement), 50% des dépenses restent allouées à ce qui est pudiquement dénommé le "maintien du socle pétrolier". TotalEnergies s’est aussi félicité de son renforcement sur le segment en forte croissance du gaz GNL (second acteur privé mondial sur ce marché).
La major maintient son cap climatique
En-dehors des affaires courantes, qui ont vu la réélection du président de BNP Paribas Jean Lemierre pour un nouveau mandat d’administrateur, le climat, la Russie et le controversé projet EACOP ont largement dominé les interventions. Sur ce dernier point Patrick Pouyanné a longuement défendu la démarche de l’entreprise, fustigeant ceux qui critiquent "depuis un salon à Paris".
Le PDG de la major pétrolière française est aussi largement revenu sur la question climatique. Volontiers sceptique à l’égard du scénario de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) qui prescrit l’arrêt de tout nouveau forage pétrolier et gazier pour atteindre la neutralité carbone en 2050, Patrick Pouyanné a critiqué une projection brandie "comme une bible" par la communauté financière, alors qu’elle impliquerait un déclin linéaire de la production d’hydrocarbures incompatible avec la hausse prévue à court terme de la demande.
En conséquence, selon lui, il est nécessaire d’engager autant "une politique de l’offre que de la demande". Il renvoie ainsi la balle dans le camp des États, répétant à l’envie le mantra d’une neutralité carbone atteinte en 2050 "avec la société", et jugeant même "dangereux" d’essayer de transposer les objectifs de l’Accord de Paris à l’échelle d’une entreprise.
TotalEnergies face aux défenseurs du climat
Patrick Pouyanné faisait allusion à la coalition d’investisseurs menée par le néerlandais MN, qui a essuyé le refus du conseil d’administration d’inscrire à l’ordre du jour sa résolution sur l’alignement 1,5 °. Le PDG de TotalEnergies a répété qu’une telle disposition empièterait sur les responsabilités du conseil d’administration, et a même invité les investisseurs mécontents à céder leurs actions si cette position ne les satisfaisait pas.
Si l’ambiance était tumultueuse à l’extérieur de l’assemblée générale, elle n’a pas pesé tant que ça sur le vote des résolutions. Le "say-on-climate" de Total a obtenu un niveau presque équivalent à celui de l’an dernier (-4 points, à 88,89% de votes favorables) malgré l’annonce du refus du Crédit Mutuel de soutenir l’opération de communication. Patrick Pouyanné a salué le résultat final qui montrerait selon lui que "l’entreprise avance dans la bonne direction".
La pression exercée sur TotalEnergies dont les 6000 lettres envoyées par leurs clients à leurs banques afin de protester contre le financement du projet EACOP et la forte mobilisation autour de l’assemblée générale, montre que si la stratégie du PDG est soutenue par une grande majorité de ses actionnaires, elle est loin de faire l’unanimité de toutes ses parties prenantes. La crédibilité climatique s’est déplacée de l’évolution du mix énergétique mise en avant par TotalEnergies pour atteindre la neutralité carbone, à l’arrêt des nouveaux projets fossiles incompatibles avec l’alignement sur une stratégie 1,5°. Ils deviennent extrêmement controversés, à l’image de celui d’EACOP porté par le groupe français sur le continent africain ■
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