Avec son plan anti-crise du Coronavirus, le Canada entame un virage vert

Justin Trudeau, le premier ministre du Canada, demande aux entreprises bénéficiant de l'aide de l'État de publier un rapport climat conforme aux recommandations de la TCFD. , @gouvernement Canada

L'ACTU

Avec son plan anti-crise du Coronavirus, le Canada entame un virage vert

Par  Novethic, Arnaud DUMAS | Publié le 13/05/2020

Les grands groupes canadiens qui voudront obtenir une aide financière de l’État devront cocher la case du reporting climatique. Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, a annoncé cette condition inédite afin que les entreprises fassent partie de la solution au changement climatique. Cette décision intervient juste après la nomination d’un spécialiste de la finance durable à la tête de la banque centrale canadienne.

Les grands groupes canadiens qui voudront obtenir l’aide financière de l’État fédéral devront montrer patte verte. Le gouvernement de Justin Trudeau a publié un nouveau plan d’aide aux entreprises le 11 mai dans lequel il énonce plusieurs conditions d’octroi de ces crédits. L’une d’entre elles est particulièrement frappante pour un État positionné dans le top 3 des pays de l’OCDE les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

"Les bénéficiaires devront s’engager à publier annuellement des rapports de divulgation de l’information liée au climat, conformément aux exigences du Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques du Conseil de stabilité financière", déclare le gouvernement canadien dans un communiqué. En clair, les entreprises devront obligatoirement publier un reporting climat conforme aux prescriptions de la Task force on climate-related financial disclosures (TCFD) si elles veulent obtenir l’aide d’État.

Les entreprises concernées par le "Crédit d’urgence pour les grands employeurs" (CUGE) sont les grands groupes réalisant plus de 300 millions de dollars de chiffre d’affaires. Tous les secteurs d’activités sont potentiellement éligibles à ce crédit, qui peut dépasser les 60 millions de dollars canadiens. À condition, néanmoins, de démontrer "la façon dont leurs opérations futures appuieront la durabilité environnementale et les objectifs nationaux en matière de climat", explique le gouvernement.

Faire partie de la solution

Une condition qui risque de s’avérer particulièrement difficile à surmonter pour le secteur des hydrocarbures, l’un des points forts de l’économie canadienne qui a été particulièrement frappé par la crise sanitaire et par la baisse des prix du baril de pétrole. Selon les chiffres du gouvernement, la croissance des secteurs des mines, de l’extraction pétrolière et gazière et de celui du transport sont en grande partie responsable de l’augmentation de 20,8 % des émissions de gaz à effet de serre du pays entre 1990 et 2018. Mais pour Justin Trudeau, l’obligation d’un reporting climat devrait, au contraire, les aider à se transformer.

"On a déjà vu plusieurs grandes compagnies du secteur pétrolier afficher des plans pour atteindre le "net zéro" en 2050, et pour contrer les changements climatiques en réduisant leurs émissions. Nous nous attendons à ce que toute compagnie qui accède à ce financement va démontrer [son] plan pour faire partie de la solution", déclare ainsi le premier ministre canadien cité par Radio Canada.

Cette annonce semble en tout cas montrer un virage environnemental pris par le gouvernement. Il avait déjà été initié avant la crise sanitaire, avec toutefois des signaux mélangés. En juin 2019, à quelques jours d’intervalle, le gouvernement canadien avait décrété l’état d’urgence climatique, puis autorisé l’extension de l’oléoduc Trans Mountain…

Cette fois, en utilisant une crise économique sans précédent pour inciter les entreprises à reporter sur leur empreinte climatique, il envoie un signal plus clair au monde économique. D’autant qu’il suit de quelques jours une autre annonce importante, sans mélange des genres cette fois. Le 1er mai, le gouvernement a nommé Tiff Macklem, un spécialiste de la finance durable, à la tête de la banque centrale du Canada.

La nomination n’est pas anodine, les banques centrales jouant un rôle de plus en plus important pour gérer les risques du changement climatique sur la stabilité financière et pour aider à orienter les flux de capitaux vers l’économie bas carbone. La Banque du Canada fait d’ailleurs partie des membres du réseau des banques centrales pour verdir la finance (NGFS). Tiff Macklem, qui dirigeait l’école de gestion de Toronto, devrait connaître parfaitement ces sujets. Il présidait en effet également le Groupe d’experts sur la finance durable, dont la mission consiste à conseiller le gouvernement canadien pour orienter les investissements vers la lutte contre le changement climatique. À ce titre, Tiff Macklem et le groupe d’experts ont notamment recommandé de renforcer le reporting des entreprises sur leur exposition au risque climatique. 


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