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L'ACTU
Avis de tempête politique sur la taxonomie
La taxonomie, née du plan d’action sur la finance durable de 2018, doit aboutir à une définition européenne commune et partagée des activités compatibles avec les objectifs environnementaux de l’Union. Les référentiels techniques qui ont été développés pendant des mois par des groupes de travail d’experts décrivent, à partir des données scientifiques, des activités vertes, vraiment vertes. Si la Commission et le Parlement partagent à peu près la même vision, il n’en va pas de même pour les États membres. Depuis plusieurs mois, un bras de fer s’est engagé autour de la taxonomie avec l’obsession française d’y inclure le nucléaire et celle des pays de l’Est qui défendent le gaz.
La tension est montée d’un cran lors du dernier sommet européen où le Président Macron a non seulement menacé de bloquer le processus si on n’y incluait pas le nucléaire, mais aussi fait alliance avec des pays comme la Slovénie, la Roumanie ou la Bulgarie pour que le gaz y soit intégré. En pleine COP26 où l’Europe espère jouer le rôle de leader climatique, réinstituer un soutien à une énergie fossile comme le gaz parce qu’elle bénéficie de l’onction verte de la taxonomie, serait du plus mauvais effet.
C’est pourquoi les appels à revenir aux fondamentaux de la taxonomie et à la notion de vert foncé se multiplient. Andreas Hoepner qui était membre du groupe technique d’experts ayant élaboré la taxonomie, a publié un post d’alerte sur LinkedIn. Il estime que "la taxonomie européenne est en grave danger. La France menace de tout bloquer".
Une version diluée des activités vertes
Même tonalité pour le député européen néerlandais, rapporteur de la taxonomie, qui dénonce les pressions exercées par le Président Macron qui va prendre la présidence de l’Union Européenne le 1er janvier 2022. Pour Bas Eickhout, "si on fait du gaz une énergie verte au motif qu’il faut intégrer le nucléaire parce qu’il est décarboné, on va droit vers une version diluée des activités vertes qui compromet l’ensemble du green deal".
L’heure est assez grave pour que l’Alliance des Investisseurs Institutionnels pour la neutralité carbone (NZAOA) travaille à manifester son inquiétude. Cette initiative à laquelle participent de grands assureurs européens, prépare une déclaration dont Bloomberg a dévoilé les grandes lignes. L’Alliance y rappelle son soutien à une "taxonomie crédible, utilisable, basée sur la science et étayée par des preuves". Elle précise que "l’introduction du gaz est incohérente avec le niveau d’ambition environnementale de la taxonomie" et que pour intégrer le nucléaire "il faut analyser précisément si cette énergie est compatible avec les autres objectifs environnementaux et le principe dit DNSH", selon lequel une activité verte ne doit pas provoquer des dommages collatéraux. Si les discussions en cours au sein de l’Alliance aboutissent, elles pourraient s’opposer frontalement au projet d’introduction du gaz et du nucléaire.
Pascal Canfin, le Président de la Commission Environnement du Parlement Européen, espère toujours trouver un compromis. Il estime difficile de faire du gaz et du nucléaire des énergies vertes mais propose qu’elles entrent dans une catégorie dite "d’énergies utiles à la transition". Les mettre à part avec des conditions drastiques permettrait, selon lui, de maintenir l’intégrité de la taxonomie qui doit "être la brique de base du financement de la transition énergétique en Europe".
Mais la nouvelle annonce pro nucléaire d'Emmanuel Macron, qui veut lancer de futures centrales pour des impératifs climatiques et énergétiques nationaux, ne semble pas de nature à calmer le jeu. Prochain épisode : la nomination du gouvernement allemand qui pourrait exhumer le vieux slogan "Atomkraft Nein Danke" !■
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