Comment "fermer" des activités vouées à devenir des "stranded asset" ?

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L'ACTU

Comment "fermer" des activités vouées à devenir des "stranded asset" ?

Par  Paul Kielwasser | Publié le 16/05/2022

Le réchauffement climatique et les nouvelles réglementations qui l’accompagnent vont condamner certaines activités ou infrastructures. Ces actifs voués à disparaître sont évalués selon certaines études à 4000 milliards de dollars. Comment modéliser et financer leur disparition ou leur déprogrammation alors que certains secteurs sont encore très productifs et emploient des centaines de milliers de personnes dans le monde à l’image du charbon. Les experts commencent à travailler sur le sujet.

Le charbon possède encore une forte empreinte sociale, en employant des millions d’ouvriers dans des mines et des centrales électriques (3,6 millions d’emplois directs et indirects en Chine), souvent dans des régions pauvres. Il est donc indispensable de planifier l’arrêt des activités pour éviter une casse sociale désastreuse. "Des transferts d’emplois vers d’autres secteurs peuvent avoir lieu", indique l’l'Institut français des relations internationales (Ifri) qui cite l'exemple de la Pologne où le charbon emploie encore 80 000 personnes. Dans ce pays, "en vingt ans, les mines pourront être fermées et les emplois compensés par des départs à la retraite et des transferts industriels via des politiques de formation et de relocalisation d’activités", souligne l’institut. Les Etats mettent de toute façon déjà la main à la poche car l’extraction n’est pas rentable dans un grand nombre de pays qui doivent donc déjà la subventionner. 

Dans les pays émergents, le mouvement est plus difficile à enclencher. "Les pays et entreprises ne le feront pas volontairement, car ces centrales jouent un rôle important dans leur production d’électricité et ne sont pas amorties", indique l’Ifri. Il n’y a pas d’autre choix que de les aider financièrement pour fermer ces centrales au moins dix ans avant la fin de leur durée de vie technique et développer des capacités bas carbone équivalentes, ajoute l’Ifri. 

Si les hydrocarbures, et le charbon en premier lieu, sont les actifs les plus enclins à devenir des actifs échoués, ils sont loin d’être les seuls voués à connaître ce funeste scénario. "Des secteurs entiers comme l’assurance, le BTP, la mobilité, le tourisme ou des infrastructures sont concernés. Certains secteurs planchent sur la redirection économique", indique ainsi Alexandre Monnin, l'un des directeurs du Master "Strategy & Design for the Anthropocene", conçu par l'école de commerce de Clermont-Ferrand et l’école de design Strate, qui enseigne un nouveau courant de pensée, celui de l’écologie de fermeture.

L’écologie de fermeture

"Nous étudions des protocoles de renoncement sur des équipements sportifs et culturels par exemple, comme des piscines municipales qui deviennent vétustes trop rapidement. Nous sommes également impliqués pour concevoir des scénarios de transformation des stations de ski de basses et de moyennes montagnes. Nous analysons ce qui peut être mis en place avec les collectivités notamment. L’objectif est aussi de préserver les emplois", affirme Alexandre Monin. "Il faut basculer vers d’autres modes de fonctionnement et il y a des enjeux à accompagner ce qui va fermer", indique le co-auteur du livre "Héritage et Fermeture. Une écologie du démantèlement" (Divergence 2021) qui propose d’élaborer des protocoles de renoncement à destination des entreprises. 

Au même titre que les mines de charbon, des stations de ski ont ainsi reçu de l’argent public pour intégrer la fin de l’activité de ski. "L’Etat peut prendre une part de la responsabilité en assurant une partie des actifs échoués ou échouables", indique Alexandre Monnin qui cite l’exemple des gestionnaires d’autoroutes indemnisés au moment du Covid. 

Mais le financement de la fermeture n’est pas toujours l’unique problème, comme le démontre l’échec de Mike Cannon-Brookes. Le milliardaire de la tech entendait racheter le premier fournisseur d’électricité d’Australie, AGL Energy, pour accélérer la transition de l’entreprise en organisant la fermeture anticipée de ses centrales à charbon. Malgré une prime généreuse, le conseil d’administration a rejeté la proposition de revirement stratégique. Cela illustre la nécessité de programmer ce type de mouvement avec des règlementations adaptées mais comme le souligne Alexandre Monnin "Les entreprises nous disent qu’elles savent agir sous contrainte mais le problème actuel est l’absence de contrainte" !

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