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L'ACTU
Énergies fossiles : le tabou de l’exclusion tombe chez les investisseurs
Une nouvelle étude de Novethic montre l’accélération du mouvement d’exclusion des entreprises liées aux énergies fossiles par les investisseurs, né en 2015. Si ces stratégies d’exclusion ont d’abord visé le seul secteur du charbon, elles ont tendance à s’étendre à d’autres énergies fossiles, pétrole et gaz non conventionnels en tête. L’étude de Novethic passe en revue cinq pratiques différentes par les investisseurs qui établissent des listes d’entreprises, noires pour celles qu’ils excluent, blanches pour celles dont les stratégies de transition suffisent à les garder en portefeuille.
C’est par exemple le cas de Nordea ou de Swedbank Robur qui s’appuient sur des méthodologies d’évaluation de la trajectoire carbone des entreprises, comme l’initiative de la Bourse de Londres Transition Pathway ou celle de budget carbone dite Science based targets. L’Ircantec, l’institution de la retraite publique qui a une stratégie climat ambitieuse a adopté une approche de ce type, plus qualitative en plus des seuils d’exclusion. Dans son Rapport de durabilité 2020 qui vient de sortir, le régime de retraite complémentaire garde ainsi en portefeuille des entreprises encore exposées au charbon, mais qui "suivent une stratégie de développement importante sur les énergies renouvelables en même temps qu’une politique de désinvestissement des actifs trop carbonés". Les énergéticiens Enel, Innogy, Orsted, Fortum ou encore National Grid passent ainsi entre les mailles du filet.
L’exclusion fait désormais partie d’une politique d’engagement climatique crédible, à l’image de l’indice de référence Paris aligned benchmark (PAB) qui précise les différents seuils d’exclusion à pratiquer pour chaque type d’énergie afin de respecter l’Accord de Paris. Cette méthodologie est utilisée par des investisseurs comme la Banque de France, qui a mis à jour sa politique d’exclusion en janvier dernier et va progressivement sortir des entreprises ciblées.
Les grands investisseurs nord européens publient de leur côté les listes des entreprises qu’ils excluent de leurs portefeuilles pour des raisons climatiques. Et celles-ci s’étoffent constamment, souvent en articulation avec la liste que propose l’ONG environnementale allemande Urgewald, la "Global Coal Exit List" (GCEL).
Respecter les engagements climatiques
Si les investisseurs accélèrent leurs politiques d’exclusion, c’est pour respecter leurs engagements de financement de la neutralité carbone, comme ils le font dans le cadre de la Net Zero Asset Owner Alliance. Ils doivent aussi se débarrasser d’actifs carbonés devenus encombrants et sources de dépréciation potentielles. Les stratégies d’exclusion permettent aussi de préserver leur réputation, en cas de catastrophe climatique. Au Canada, les fonds de pension ont ainsi été pointés du doigt pour leurs investissements récents dans des actifs fossiles. Au moment où le pays affronte un dôme de chaleur et son corolaire d’incendies dévastateurs, investir les retraites des citoyens dans des entreprises contribuant au réchauffement climatique apparaît doublement risqué, sur le plan climatique et financier.
Des sociétés de gestion de leur côté ne veulent pas s’exposer à la vindicte de leurs clients en quête d’investissements durables. SPP, la filiale d’assurance-vie du suédois Storebrand, a décidé d’exclure toutes les sociétés liées aux énergies fossiles à la demande de ses clients, soit plus de 400 entreprises. Elle peut ainsi promettre des fonds garantis sans fossiles à ses clients.
Cela reste un courant minoritaire puisque, même s’il est prévisible que les énergies fossiles sont peu associées au développement durable, les fonds qui se réclament de ce courant sont encore très nombreux à investir dans le secteur des énergies fossiles. Selon une étude de Morningstar, huit fonds durables sur dix classés "article 8" selon la réglementation Disclosure (Sustainable finance disclosure regulation, SFDR) détiennent des actifs fossiles. Pire, pour une fraction de ces fonds, les énergies fossiles représentent plus de 50 % de leurs allocations. Une lecture rapide de l’étude publiée par Novethic s’impose !■
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