Mairead McGuiness, commissaire européenne en charge des marchés financiers , @Aurore Martignoni / UE
L'ACTU
Fin de saison agitée pour la classification Article 9 de la règlementation SFDR pour les fonds durables
Le sujet peut sembler technique mais cela n’empêche pas l’Article 9 de la règlementation SFDR d’être le centre de toutes les attentions des sociétés de gestion qui gèrent des fonds durables. Tout comme de la Commissaire européenne en charge des marchés financiers, Mairead McGuiness. De quoi s’agit-il ? Du volet transparence pour les fonds de la stratégie européenne sur la finance durable : le règlement SFDR (Sustainable finance disclosure regulation). Depuis mars 2021 il impose aux sociétés de gestion de classer leurs fonds durables entre Article 8 et 9 selon leurs caractéristiques et prévoit qu’à partir du 1er janvier 2023, les fonds Article 9 doivent être conformes à de nouvelles exigences techniques publiées en 2022.
Comme l’a rappelé la Commissaire dans l’audition menée par les groupes économiques et environnementaux du Parlement européen le 5 décembre : "nous ne voulons pas séparer économie et environnement et nous voulons une règlementation qui doit, en même temps, être utilisée à bon escient par les professionnels et pousser la finance durable à s’aligner sur le Pacte vert". Si tout le monde s’accorde sur l’intention, force est de constater que l’interprétation des textes, du côté des régulateurs comme des praticiens, est à géométrie très variable. L’une des difficultés est la définition même d’un investissement durable, inscrite dans SFDR, qui reste sujette à de multiples interprétations alors que les normes techniques exigent des fonds Article 9 "100 % d’investissement durable".
"Les débuts poussifs du marché des fonds Article 9"
Le travail d’analyse en profondeur mené par Nicolas Redon, expert finance verte de Novethic, pour l’étude intitulée "Les débuts poussifs du marché des fonds Article 9" porte sur un panel de 175 fonds, dans lesquels sont investis 72,2 milliards d’euros, portant cette étiquette en mars 2022. Elle montre que l’on est encore loin de l’espoir initial consistant à flécher vers la partie la plus engagée du marché de la finance durable, parce que ces fonds conjugueraient objectifs environnementaux et sociaux avec des indicateurs de mesure de degrés d’atteinte de ces objectifs.
À ce stade, les contours des objectifs affichés restent très flous et seule une vingtaine de fonds annoncent une part minimale d’investissement durable. Quant aux indicateurs, on est encore loin de la transparence normée que devait apporter la législation. "Le texte de SFDR pose des problèmes sémantiques sur, par exemple, ce que doit être une prise en compte des principales incidences négatives, PAI, et sur des seuils de tolérance qui n’existent pas", explique Nicolas Redon. Ceci explique qu’on retrouve dans certains fonds des entreprises fossiles et que la pratique dominante reste la sélection de valeurs sur des critères ESG selon l’approche "Best in class". C’est d’autant plus problématique que l’Article 9 est utilisé comme un label par certaines sociétés de gestion. Ce phénomène est renforcé par l’attractivité manifeste des fonds Article 9 en termes de collecte comparativement aux fonds Article 8.
Prochaines étapes pour SFDR
Le mouvement pourrait s’inverser car les fonds Article 9 seront plus rares début 2023 que début 2022. Bon nombre de très grandes sociétés de gestion ont requalifié les fonds Article 9 qui leur semblaient le plus éloigné des recommandations techniques. Cela permet d’entamer 2023 avec un nombre de fonds Article 9 plus petit mais plus conforme aux attentes du régulateur. Attaquée sur cette règlementation au déploiement chaotique, Mairead McGuiness a déclaré lors de son audition du 5 décembre : "il est prématuré de dire que les Articles 8 et 9 de SFDR ont échoué mais les difficultés d’interprétation du marché font que nous ne devons pas être timide et envisager de réécrire SFDR".
Première étape, un nouveau FAQ qui sera publié en janvier. Elle sera suivie d’une revue complète du dispositif qui doit aboutir assez rapidement pour envisager une nouvelle mouture fin 2023. En revanche, Mairead McGuiness est restée beaucoup plus floue sur le calendrier de livraison des quatre derniers volets de la taxonomie, puisque seuls les actes délégués concernant le changement climatique ont été adoptés.■
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