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L'ACTU
Guerre en Ukraine : l’exclusion de l’armement par les acteurs financiers fait débat
La guerre en Ukraine initiée par la Russie pourrait changer l’approche du secteur de l’armement des acteurs financiers. La taxonomie sociale européenne doit justement être présentée le 28 février prochain et pourrait adopter une vision plus large des exclusions habituelles liées aux armes controversées. Les fuites parues dans le média britannique Responsible Investment précisent ainsi que le projet européen devrait, en plus des armes non conventionnelles, renforcer les exclusions vers d’autres types d’armes. Selon les fuites, pourraient être considérées comme nuisible socialement des armes pouvant être utilisées par des enfants soldats ou pouvant être exportées vers des zones de conflit, ainsi que le développement d’armes autonomes.
Une définition large qui correspond à une approche plus pacifiste du secteur de l’armement, approche qui se développe depuis quelques années sous la pression des ONG. "Certaines ONG considèrent par définition que le secteur de la défense porte préjudice de manière intrinsèque aux droits humains", explique Stéphane Audrand, consultant indépendant spécialisé en maîtrise des risques des secteurs sensibles.
Pour Stéphane Audrand, cette approche trop large des exclusions pose néanmoins un problème au regard du droit international. "La Charte des Nations-Unies interdit l’agression, mais reconnaît le droit à la légitime défense, explique-t-il. Ce droit est nié par les activistes lorsqu’ils considèrent que les armes sont globalement mauvaises."
Nouvelle donne
Un rapport de l’ONG Facing Finance de 2019 sur la vente d’arme cible ainsi les banques qui financent le plus les neuf plus grandes entreprises de la défense, comme Lockheed Martin, Boeing, Airbus, etc. Elle émet ensuite des recommandations pour les institutions financières en leur demandant d’étendre leurs politiques d’exclusion d’armes, notamment au commerce avec les pays en situation de conflit sans mention de la question de la légitime défense. "De nombreuses banques européennes se désengagent du financement de la défense, notamment dans les pays d’Europe du nord comme la Scandinavie, le Bénélux. Ce n'est pas le cas des banques françaises", remarque Stéphane Audrand.
Les décisions prises en temps de paix peuvent cependant être bousculées lorsqu’un conflit armé approche des frontières. "Le sujet va arriver sur la table !", estime le consultant qui poursuit : "on ne peut pas avoir la paix et les dividendes de la paix, sans investir dans la sécurité". Les marchés financiers auraient-ils déjà tiré ce type de conclusion ? À Paris, le CAC 40 était en forte chute de près de 5 % jeudi matin après l’offensive russe en Ukraine, entraîné par le cours des entreprises les plus présentes en Russie comme Renault et Société Générale, environ -10 % chacun, ou encore Saint Gobain (environ -8,5 %). La seule valeur à rester dans le vert était Thalès, l’industriel français de la défense, qui gagnait plus de 2 %.
Jusqu’à présent, les investisseurs responsables avaient tendance à exclure les armes controversées, en se reposant sur des textes internationaux comme la convention d’Oslo de 2008, signée par 115 pays dont la France, qui interdit l’utilisation, la production, le stockage et le transport des armes à sous-munition, et le traité d’Ottawa de 1997, qui fait de même pour les mines antipersonnel. D’autres types d’armes sont également souvent concernées par les politiques d’exclusion, comme les armes nucléaires, chimiques ou biologiques.■
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