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L'ACTU
La loi industrie verte va pousser les entreprises cotées à parler climat avec leurs actionnaires via des résolutions "Say on climate"
La loi sur l’industrie verte a été adoptée à une rapidité telle que le débat de fond sur ce que devrait être le verdissement des entreprises françaises n’a pas vraiment été abordé. L’objectif était d’abord d’encourager la relocalisation et la décarbonation des industries en mobilisant des financements privés.
Les débats ont pris une forme technique qui ne facilite pas la communication à un public non initié. Des dispositions ont été prises visant à raccourcir les délais moyens pour obtenir l’autorisation de construire des installations d’énergie verte (éolien, solaire, pompes à chaleur, batteries, hydrogène décarboné) et instaurer une procédure d’exception pour des "projets d’intérêt national majeur", qui devrait faciliter le lancement du programme nucléaire.
Côte mobilisation des financements, la mesure la plus visible est l’annonce de la création d’un "plan d’épargne avenir climat". Réservé aux moins de 21 ans, il pourrait collecter via les fonds versés par leurs familles autour d’un milliard d’euros. Les députés d’opposition ont souligné que cela semblait peu par rapport aux besoins de financement pour la transition écologique de la France, estimés selon les sources entre 60 et 100 milliards d’euros par an.
Des "say on climate" généralisés
L’un des moments le plus intéressant des débats a concerné les amendements visant à obliger les entreprises cotées à soumettre à leurs actionnaires des vraies stratégies de transition climatique conformes à l’Accord de Paris et à les faire voter via des résolutions dites "Say On Climate". Les entreprises peuvent prendre des initiatives de cette nature mais elles sont très peu dans ce cas, moins de dix en France en 2023 dont l’emblématique TotalEnergies.
Cela préoccupe les investisseurs de long terme engagés dans des politiques climatiques ambitieuses à l’image de la Caisse des dépôts dont Alexandre Holroyd préside la Commission de Surveillance. Ils ont besoin de vérifier que les entreprises dans lesquelles ils investissent ont bien des stratégies climat de transformation de leurs modes de production. Le tableau réalisé par Novethic sur les votes des résolutions climat lors des AG 2023, montre que leurs attentes sont plus fortes en Europe qu’aux Etats-Unis.
Deux amendements à l’article 18 de la loi industrie verte allaient dans le même sens. Le premier, porté par des députés de gauche dont Dominique Potier, le "père" du devoir de vigilance, visait à mettre en place des indicateurs de suivi précis et à faire peser sur la rémunération du dirigeant l’éventuel échec de la politique de transition climatique. Le second, défendu par Alexandre Holroyd, permettait de répondre selon lui, favorablement à deux questions essentielles : "Est-ce que les très grandes entreprises doivent soumettre une stratégie climat au public ? Est-ce que les actionnaires doivent se prononcer sur une stratégie climat qui est proposée par l’entreprise elle-même?"
Plus de démocratie actionnariale
Applaudi par les députés présents, Alexandre Holroyd a rappelé qu’il ne fallait pas se tromper d’époque en croyant que cette disposition pouvait constituer un handicap de compétitivité pour la place financière française. C’est au contraire un moyen d’instaurer un peu plus de démocratie actionnariale en France où les pouvoirs des actionnaires sont plus limités que dans les places financières voisines. Pour Roland Lescure, le ministre de l’industrie, il faut au contraire "laisser faire les entreprises qui savent que le climat est un enjeu important pour elles" ajoutant que "même TotalEnergies avait soumis de sa propre initiative un Say on Climate à ses actionnaires" pour démontrer que le mouvement est en marche.
Cela n’a pas empêché l’adoption de la proposition du député Holroyd, après le retrait de l’amendement déposé par les députés de gauche qui lui ont apporté leur soutien. Si elle va jusqu’au bout du parcours de la loi, qui reprend à la rentrée, cela permettra que toutes les entreprises puissent donner plus d’importance à leurs politiques climatiques.
Cela pourrait aussi relancer la finance durable française et ses capacités d’innovations règlementaires. Le débat a permis de montrer quels étaient les choix possibles : miser sur les démarches volontaires des entreprises et des investisseurs pour amener une transformation environnementale et sociale que le contexte rend de plus en plus impérative ou les inciter fortement à accélérer en donnant une place centrale dans leur stratégie à leur politique de lutte contre le changement climatique. L’adoption de l’amendement est un bon signal pour la seconde option. ■
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