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L'ACTU
La pression s’accentue sur les majors pétrolières pour transformer leur modèle
L’année 2021 s’annonce compliquée pour les entreprises pétrolières. Heurtées de plein fouet par la crise sanitaire et économique, elles se retrouvent surtout confrontées à une pression de plus en plus forte et précise de la part des investisseurs pour transformer leur modèle. Et, nouveauté de l’année, c’est au tour des agences de notation financière de les regarder de travers, avec des perspectives négatives sur la notation du secteur.
Les résultats 2020 des majors pétrolières reflètent le déclin progressif des énergies fossiles, secteur de plus en plus scruté par les investisseurs en raison de son impact sur le réchauffement climatique. BP a ainsi enregistré une perte de 20,3 milliards de dollars, en partie due à la dépréciation d’actifs enregistrée cette année, mais aussi à la baisse des prix du baril. Même chose pour l’Américain ExxonMobil dans des proportions encore plus gigantesques, avec des pertes astronomiques de plus de 22 milliards de dollars en 2020.
Sous la pression des investisseurs et notamment du nouveau fonds activiste Engine n° 1, Darren Woods, le PDG d’Exxon, a aussi annoncé un renforcement de sa stratégie bas carbone. Mais sans opérer de révolution… Il prévoit certes de réduire les émissions de ses activités de 20 % en 2025 au lieu des 15 % initialement prévus, mais compte toujours principalement sur la technologie de capture de carbone pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
Une nouvelle filiale pour Exxon
"Le monde ne peut pas atteindre ces objectifs sans la technologie de capture et stockage du carbone", martèle Darren Woods. La firme texane a créé une nouvelle filiale, ExxonMobil Low Carbon Solutions, pour accélérer la commercialisation de ces technologies et prévoit d’investir 3 milliards de dollars d’ici 2025 sur ces technologies.
Cela suffira-t-il ? Le secteur de "l’Oil & Gas" est confronté à un problème structurel, du fait de sa contribution au réchauffement climatique, et les marchés financiers commencent à le prendre en compte. L’agence de notation financière Standard & Poor’s va occuper les prochains mois à passer en revue les majors pétrolières, sous l’angle du risque climatique. "Le secteur du pétrole et gaz fait face à de nombreuses incertitudes, ce qui nous a amené à prendre une position de long terme sur ce secteur, même si la demande ne va pas baisser tout de suite", déclare Karl Nietvelt, directeur de la recherche infrastructures et énergie de Standard & Poor’s.
Treize grands groupes, dont Total, ExxonMobil, Shell et Chevron, ont été placés en perspective négative par l’agence de notation. Leur business model sera passé en revue à l’aune, notamment, de leur stratégie climat, avec 50 % de probabilité de voir une dégradation de leur note de crédit.
Accélérer le mouvement
Les investisseurs veulent accélérer le mouvement. Aviva Investors a ainsi annoncé renforcer sa stratégie d’engagement actionnarial. La filiale de gestion de l’assureur britannique cible 30 entreprises les plus émettrices, dont une partie du secteur pétrole et gaz, et les menace de les sortir de ses portefeuilles d’investissement et de crédit si elles ne s’engagent pas à la neutralité carbone sur les trois scopes d’ici 2050 et ne produisent pas un plan détaillé sur la manière d’y arriver. La société de gestion se donne entre un et trois ans selon les entreprises pour vérifier leur état d’avancement, avec des mesures graduelles de rétorsion si les feuilles de route pour la neutralité carbone ne sont pas suffisamment ambitieuses.
Le fonds souverain norvégien, lui, a pris les devants. Le dirigeant du fonds a annoncé avoir terminé la cession de toutes ses participations dans des entreprises pétrolières et gazières. Cette stratégie de désinvestissement a été mise en place il y a quelques années par le Government Pension Fund Global, afin de réduire son exposition aux énergies fossiles.
Les assemblées générales 2021 des majors pétrolières devraient, cette année encore, se révéler particulièrement mouvementées, avec des actionnaires responsables leur demandant d’accélérer leur transformation et des compagnies jouant la prudence. Chez BP, Follow This a ainsi déjà déposé une résolution sur le climat, sans l’accord du management, malgré ce qui avait été annoncé. Selon un porte-parole de BP, ils n’étaient pas d’accord sur la formulation… ■
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