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L'ACTU
La stratégie finance durable de l’Union Européenne va-t-elle faire pschitt ?
Juin 2023 aurait dû être le point d’orgue d’une démarche amorcée depuis cinq ans par l’Union européenne qui avait fait le choix de déployer progressivement une régulation novatrice axée sur sa taxonomie. Ce référentiel basé sur la science devait permettre de préciser, activité par activité, quels sont les critères permettant de transformer et verdir au maximum l’économie européenne. L’idée était d’avoir une mesure claire de son impact environnemental actuel pour évaluer ensuite sa capacité de transformation à travers les stratégies et les investissements programmés par les entreprises.
Le premier indicateur correspond grosso modo au degré d’éligibilité des activités à la taxonomie et le second à l’alignement. Mais le patient détricotage de l’ambition initiale par des lobbyings de tous bords a abouti à un résultat bien différent. Alors que depuis deux ans seuls les volets climat de la taxonomie étaient en vigueur, avec le gaz et le nucléaire comme énergie de transition, réintroduites l’un par l’Allemagne, l’autre par la France, les quatre actes délégués permettant aux volets manquants d’entrer dans la régulation européenne, ont été publiés le 13 juin.
Des activités manquantes
Ils sont cruciaux puisqu’il s’agit de l’usage durable et de la protection de l’eau et des ressources marines, de la transition vers une économie circulaire, de la prévention et du contrôle de la pollution ainsi que de la protection et de la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Pourtant leur puissance de transformation est plus qu’affaiblie par l’absence de l’agriculture dans ces référentiels et la présence de l’aviation dont le modèle vert repose sur une hypothétique technologie, au même degré de maturité que la capture de CO2. Les investisseurs responsables s’étaient pourtant mobilisés pour demander la disparition de l’aviation espérant ainsi "sauver la taxonomie". Leurs 280 milliards d’euros d’actifs n’ont pas eu suffisamment de poids.
Cela résume le rapport de force actuel qui a basculé en cinq ans sous les coups de boutoir de la guerre en Ukraine, de la crise Covid et de l’incapacité des dirigeants à appliquer ce raisonnement pourtant très simple : le coût de l’inaction est bien plus élevé que le cout de l’action, que ce soit pour limiter les dégâts du changement climatique ou de la destruction de la biodiversité. En un seul schéma, la Commission a résumé son impuissance.
Publié le 13 juin avec les actes délégués, il semble donc acter que la transition va se faire par miracle, sans calendrier précis ni données objectives. Il entérine l’idée que finance verte et de transition sont déjà majoritaires dans le marché et qu’à long terme la majorité des encours seront verts, vraiment verts. Quand et comment ? Mystère !
Un discours de moins en moins ambitieux
Il sera très difficile de justifier dans quelques années ce rendez-vous manqué. Alors que les crises sont là, sécheresses, inondations, biodiversité entamée, incendies, la montée en puissance politique de ceux qui voudraient revenir en arrière et protéger à tout prix un modèle exsangue est préoccupante. Elle se traduit au Parlement européen par des menaces réelles sur le Green deal et, dans le paquet finance durable, par un discours de moins en moins ambitieux.
Dans sa dernière publication, la Commission explique que l’objectif de ces textes est de "faciliter l’appropriation de ces outils par les acteurs de marché à cout minimal pour renforcer leur diffusion". "La finance sera verte ou ne sera pas" avait déclaré en son temps Bruno Le Maire, déjà ministre de l’Économie et des finances. Mais il faudrait admettre que pour qu’elle soit verte, acteurs financiers et entreprises doivent accomplir une transformation profonde qui ne peut pas se faire à coût minimal comme l’a rappelé le rapport récent de France Stratégie. Gagner du temps pour reculer l’échéance ne fera qu’augmenter la facture environnementale, économique et in fine financière !■
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