@Stefano Rellandini / AFP
L'ACTU
Label ISR : Bruno Le Maire arbitre contre les énergies fossiles et pour les épargnants
L’inquiétude est levée pour les investisseurs durables qui voulaient un label ISR renforcé. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, a officiellement lancé la nouvelle version du label dont la réforme avait été confiée au comité dirigé par Michèle Pappalardo. Déposé sur le bureau du ministre au beau milieu de l’été, le nouveau référentiel attendait depuis sa validation finale. Des rumeurs insistantes laissaient craindre un affaiblissement des nouveaux critères, tant le lobbying de certaines sociétés de gestion et d’industriels était prégnant. La semaine dernière, une soixantaine de personnalités avaient signé une lettre à Élisabeth Borne, la Première ministre, l’enjoignant de préserver l’ambition climatique du nouveau référentiel, et notamment l’exclusion des énergies fossiles.
Exclusion totale des énergies fossiles
Ces arguments ont fait mouche auprès du ministre qui a confirmé l’exclusion des énergies fossiles du label. Avec une acceptation large de leur définition puisque ne pourront pas faire partie des fonds labélisés ISR toutes les entreprises qui exploitent du charbon ou du pétrole et gaz non conventionnels, mais aussi celles qui prévoient de nouveaux projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures au sens large. "Cela revient à un élargissement du périmètre (par rapport au projet de réforme présenté par le Comité, NDR), parce que nous voulions un dispositif le plus simple et lisible possible", explique-t-on à Bercy. À la connaissance des services du ministère, aucune entreprise des énergies fossiles ne sera donc éligible aux fonds ISR.
"Si les critères seront précisés dans le nouveau référentiel, il est certain que des entreprises telles que TotalEnergies, BP ou ENI seront exclues du périmètre d'investissement. C’est une avancée majeure pour ce label en quête de crédibilité et un signal clair et bienvenu envoyé en amont de la COP28 sur l’urgence à sortir les financements des énergies fossiles pour les rediriger vers les énergies soutenables", réagit Antoine Laurent, responsable du plaidoyer pour Reclaim Finance.
Outre ces exclusions, la nouvelle formule du label prévoit également de pousser les entreprises à réduire leur empreinte carbone en adoptant des plans de transition qui devront progressivement s’aligner sur l’Accord de Paris, c’est-à-dire cibler la neutralité carbone. Cette transition des entreprises devrait s’appuyer sur les données fournies par les entreprises dans le cadre de la directive CSRD, dont l’entrée en application se fera progressivement sur les quatre prochaines années. En attendant, le référentiel du label va donc devoir détailler à quelles conditions les plans de transition existants seront éligibles.
Un message aux épargnants
Au-delà des aspects techniques, c’est surtout aux épargnants que Bercy veut s’adresser. "Nous devons offrir un label simple et efficace pour permettre aux Français de donner du sens à leur épargne. C’est ce que nous faisons avec ce nouveau label ISR, dont la lutte contre le réchauffement climatique devient un incontournable", déclare ainsi Bruno Le Maire dans un communiqué. Le ministre fait écho aux nombreux sondages qui montraient au mieux que les épargnants ne connaissaient pas le label ISR, au pire qu’ils n’avaient pas confiance dans sa capacité à transformer l’économie. Un sondage récent commandé par Reclaim Finance montrait par ailleurs que 60% des Français ne voulaient pas que des entreprises liées aux énergies fossiles apparaissent dans leurs placements durables.
Côté sociétés de gestion, le ministère assume le fait que ces nouveaux critères réduiront automatiquement l’univers d’investissement possible pour les fonds. "S’il n’y avait pas de réduction de l’univers d’investissement, cela ne servirait à rien", tranche-t-on dans l’entourage du ministre. Sur les 1174 fonds labellisés pour 773 milliards d’euros d’encours, il est plus que vraisemblable que la composition actuelle des portefeuilles d’une partie d’entre eux ne sera plus éligible mais les gérants auront du temps pour se mettre en conformité. "Notre but, c’est qu’ils s’adaptent. Nous pensons qu’ils le feront car le label ISR est aujourd’hui, en nombre, le premier label de finance durable européen. Nous ne voulons pas en faire un label de niche, il faut trouver l’équilibre pour que les fonds aient envie de l’utiliser", explique-t-on au ministère.
La finalisation des détails du référentiel devrait aboutir d’ici la fin du mois de novembre. Il entrera en vigueur l’année prochaine, à partir du 1er mars 2024 pour les fonds faisant leur première demande de labellisation. Les fonds déjà labellisés bénéficieront d’une période d’un an pour s’adapter. Sur la prochaine révision des critères du label, il n’y a pas de calendrier. L’actuelle intervient sept ans après la création du label en 2016. "Mais il a évidemment vocation à s’adapter avec le temps, les exigences des épargnants et les défis collectifs auxquels la société fait face", assure l’entourage de Bruno Le Maire.■
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