Le lobbying, angle mort de la notation ESG des entreprises

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L'ACTU

Le lobbying, angle mort de la notation ESG des entreprises

Par  Arnaud Dumas | Publié le 21/10/2023

Les activités de lobbying demeurent les grandes absentes des grilles d’évaluation ESG des agences de notation et des cadres de reporting. Une étude de The good lobby montre que leur prise en compte demeure très parcellaire, faute de consensus sur la définition du lobbying et de données suffisantes de la part des entreprises. Chaque semaine, Novethic Essentiel vous propose un billet LinkedIn qu’il ne fallait pas manquer.

C’est la face obscure de l’action climatique des entreprises. Les activités de lobbying, directes ou indirectes via leurs associations professionnelles, sont souvent un aspect oublié de l’analyse ESG, en général par manque d’informations. L’organisation bruxelloise The good lobby a décidé de s’attaquer à la manière dont les agences de notation et les différents cadres de reporting mondiaux intégrait la question dans leurs référentiels. Elle a créé un "good lobby tracker" qui doit permettre aux parties prenantes des entreprises de mieux comprendre comment leurs fournisseurs de données ESG agissent sur le lobbying.

"The good lobby tracker" a décortiqué les méthodologies des organismes référencés et les a évaluées en fonction d’un idéal de transparence sur l’activité de lobbying. Il en résulte un score total, réparti en huit catégories qui questionnent les divers aspects du reporting. L’initiative demande-t-elle des informations générales sur le lobbying, sur les donations à des organisations politiques, faut-il reporter sur les activités de lobbying directes ou indirectes, quelle influence politique via des tierces parties, le lobbying est-il exercé de manière publique, le lobbying sur les aspects ESG est-il considéré, quel lobbying est exercé par les employés, le cadre d’évaluation de l’initiative est-il transparent ?


Une question annexe

Le résultat, selon Alberto Alemanno, le fondateur de The good lobby, n’est pas réjouissant. "Le lobbying est un angle mort pour les agences de notation ESG, et donc pour les investisseurs responsables qui demeurent ignorants de "l’empreinte politique" de leurs entreprises", écrit-il dans un billet LinkedIn. Moody’s et S&P se positionnent en tête de classement des agences de notation, avec un score de 80 sur 200, alors que Bloomberg et RepRisk n’obtiennent que 10 sur 200. Côté cadre de reporting, ce sont les standards européens de reporting ESG (ESRS) de la directive CSRD qui sont les plus avancés, avec 95 points sur 200, le plus faible score étant attribué à la TCFD avec 30/200. 

Même les scores les plus élevés demeurent donc encore loin de l’idéal fixé par The good lobby, ces différentes initiatives peinant à prendre en compte tous les aspects du lobbying. Selon les auteurs du "tracker", ces différentes initiatives ont tendance à traiter la question du lobbying comme étant annexe et à n’y porter que peu d’attention. La définition du lobbying demeure par ailleurs assez partielle, omettant des formes d’influences indirectes par l’intermédiaire d’organisations professionnelles ou de groupes de réflexion par exemple. À l’inverse, elles ne prennent pas en compte les activités de lobbying ou d’influence en faveur du climat.

Un lobbying anti-ESG intense

L’impact du lobbying sur la réglementation climatique est pourtant très concret, comme le montre une récente étude d’Influence Map sur le bataille anti-ESG menée par des élus républicains américains. Pour l’ONG, les organisations professionnelles comme la Chambre de commerce américaine, le Bank policy institute, l’American petroleum institute, etc., œuvrent de concert pour empêcher ou amoindrir toute réglementation financière sur le climat. C’est le cas concernant les règles de reporting climatique que la Securities and exchange commission (SEC) veut mettre en place.

Influence Map a relevé plusieurs exemples de lobbying : la Chambre de commerce qui explique que la réglementation est contraire au premier amendement de la Constitution (liberté d’expression), le Bank policy institute qui la déclare non nécessaire, etc. Pour chacune des organisations, Influence Map liste les grandes entreprises en étant membres et participant donc indirectement à ce mouvement anti-ESG.


Pour Alberto Alemanno, "le manque de données sur le lobbying représente avant tout un risque pour les investisseurs car cela peut les conduire à allouer des fonds en se basant sur de fausses informations". Le tracker vise à leur permettre à la fois de challenger leurs fournisseurs de données ESG, pour qu’ils améliorent leurs méthodologies de suivi du lobbying. Mais ils peuvent également s’inspirer des éléments du tracker pour mener le dialogue actionnarial avec les entreprises et les amener à faire la transparence sur leurs dépenses de lobbying. Les entreprises peuvent également de leur côté utiliser le cadre d’analyse de The good lobby pour reporter, mais aussi pour repenser leurs adhésions à des initiatives et des organisations industrielles dont les pratiques pourraient être contraires à leurs stratégies climatiques.■

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