Le parquet de Paris ouvre une enquête sur le nuage de holdings de Michel Ohayon, centrée sur Go Sport

@Philippe Lopez via AFP

L'ACTU

Le parquet de Paris ouvre une enquête sur le nuage de holdings de Michel Ohayon, centrée sur Go Sport

Par  Anne-Catherine Husson-Traore | Publié le 27/02/2023

Les montages financiers opaques de Michel Ohayon, version bordelaise du Bernard Tapie de la grande époque, vont désormais être analysés par des enquêteurs spécialisés dans la criminalité financière complexe. Le parquet de Paris a ouvert une enquête à la suite d’une première instruction pour abus de biens sociaux concernant uniquement Go Sport. C’est désormais toutes les holdings du groupe qui sont visées par la procédure. Elle pourrait transformer l’effondrement d’un groupe alliant immobilier et commerce de détails pour surendettement, à mise en cause pénale pour cavalerie généralisée et abus de bien sociaux.

La méthode de Michel Ohayon pour construire un "empire" évalué plus d’un milliard d’euros en 2022 semblait simple. À travers sa holding principale, la Financière immobilière bordelaise (FIB), il rachetait des immeubles et des hôtels de luxe et avait créé d’autres holdings pour d’autres types de biens immobiliers. Hermione People and Brands (HPB) était spécialisée dans le rachat d’enseignes en difficulté bien connues des consommateurs français, des Galeries Lafayette de province à la Grande Récré en passant par Camaïeu ou Gap France. L’homme d’affaires disait espérer se rembourser sur les succès futurs de ces commerces de détails.

Michel Ohayon a reconnu, dans la seule interview qu’il a donné à Sud-Ouest le 18 février, que sa diversification dans le commerce de détail était "contra-cyclique". Un euphémisme car la pandémie de Covid-19 a révolutionné les modes de consommation et entraîné une grande désaffection pour les courses en centre-ville et les marques de textile de fast fashion qui ferment boutique les unes après les autres.

Après la faillite brutale de Camaïeu, en octobre 2022, qui a entraîné le licenciement de plus de 2500 personnes, la mise en redressement judiciaire de Go Sport et les grandes difficultés sur le reste, Michel Ohayon devait déjà répondre de ses montages devant les tribunaux de commerce de Lille, de Bordeaux, de Marseille et de Grenoble. Le redressement judiciaire de ses holdings a finalement été prononcé par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 février. La procédure a été lancée par la Bank of China parce que Michel Ohayon n’a jamais commencé à rembourser les 201 millions d’euros qu’il lui a empruntés, en trois fois, entre février 2014 et janvier 2017. 

Soupçon de cavalerie financière

Depuis le 27 février l’affaire prend une autre dimension, celle d’un soupçon de cavalerie organisée entre les trésoreries d’entreprises déjà très fragilisées avant son passage. Go Sport par exemple, rachetée en 2021, avait obtenu deux prêts, en 2020 et 2021, de plus de 50 millions d’euros qui ne devaient en aucun cas bénéficier à une autre entreprise. Ce sont ses Commissaires aux Comptes qui ont dénoncé les pratiques douteuses du propriétaire. Ces 50 millions d’euros seraient allés vers Camaïeu, 36 autres millions d’euros vers Gap France dont la FIB a imposé le rachat à Go Sport. Le démêlage des montages financiers de Michel Ohayon prendra du temps. Mais l’affaire a d’ores et déjà mis au chômage les 2500 salariés de Camaïeu et menace, à court terme, les 2160 employés de Go Sport et les 360 salariés de Gap France, dont la vente est pourrait être annulée.   

La "success story" de Michel Ohayon a débuté à Bordeaux, avec une stratégie consistant à racheter de vieux immeubles bien situés pour les louer à des enseignes textiles connues, puis à se lancer dans l’hôtellerie de luxe. Il bâtit rapidement sa fortune. Mais il n’a pas pris la mesure de la transformation radicale des modes de consommation qui rendent impossible le paiement de loyers exorbitants dans des rues commerçantes prestigieuses. Il a affirmé à Sud-Ouest qu’il travaillait sur un plan stratégique de redressement et que la "FIB était solide puisqu’elle disposait de beaux actifs immobiliers qui la rendait solvable malgré ses problèmes de liquidités". C’était une semaine avant cette nouvelle extension de son parcours judiciaire qui pourrait conduire à sa mise en responsabilité pénale. Sa chute illustre les conséquences des crises multiples du moment. Les magasins de centre-ville se couvrent d’affiches "en liquidation" et/ou "fermeture définitive". Ils pourraient devenir comme les centres commerciaux américains abandonnés, le symbole du naufrage d’un modèle qui ne marche plus.■


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