L’effondrement des enseignes françaises détenues par Michel Ohayon est dû à son fol endettement

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L'ACTU

L’effondrement des enseignes françaises détenues par Michel Ohayon est dû à son fol endettement

Par  Anne-Catherine Husson-Traore | Publié le 20/02/2023

Les montages financiers complexes de Michel Ohayon, version bordelaise du Bernard Tapie de la grande époque, s’effondrent comme un château de cartes monté sur une assise plus que fragile. Sa méthode : s’endetter beaucoup pour acheter à bas prix des enseignes en difficulté et espérer se rembourser sur leurs succès futurs. Encore faudrait-il comprendre l’évolution de la consommation accélérée par la crise du Covid et les nouvelles attentes, plus durables. Le commerce de détail est-il un stranded asset ? La Financière immobilière bordelaise (FIB) de Michel Ohayon semble en faire la démonstration.

Hôtels de luxe et commerce de détails de marques bien connues des Français, des Galeries Lafayette de province à la Grande récré en passant par Camaïeu ou Gap France, telle était l’équation sur laquelle la Financière immobilière bordelaise (FIB), la holding de de Michel Ohayon, avait bâti son développement. Pour la distribution, il avait créé une autre holding, Hermione People and Brands (HPB) propriétaire des marques et des magasins devenus le symbole de sa déconfiture. Après la faillite brutale de Camaïeu en octobre 2022 qui a entraîné le licenciement de plus de 2500 personnes, la mise en redressement judiciaire de Go Sport et les grandes difficultés des autres marques, trois des holdings dont FBI et HPB ont été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 février. La Bank of China est à l’origine de cette procédure puisque Michel Ohayon n’a jamais commencé à rembourser les 201 millions d’euros qu’il lui a empruntés en trois fois entre février 2014 et janvier 2017.

La saga de Michel Ohayon, racontée par Sud-Ouest, décrit la success story d’un fils de marchand de tissu né au Maroc qui ouvre un premier magasin en franchise à 22 ans, en 1984 à Bordeaux. Il le revend et de fil en aiguille au début des années 2000, possède 15 magasins qui emploient 150 salariés. Sa stratégie suivante consiste à racheter des vieux immeubles décrépits et bien placés dans les rues commerçantes de Bordeaux qu’il loue aux marques phare du moment H&M, Celio, Zara… Il enchaîne avec les hôtels de luxe. En 2005 il fait partie du top 500 des plus grandes fortunes de France et, en 2021, la sienne était évaluée à 650 millions d’euros. Par rapport à l’ambition de ces projets, elle reste relativement modeste, d’où la nécessité d’emprunter pour les financer.

Les moyens de ses ambitions 

Mais depuis quelques années, ces projets s’enlisent de façon visible et compte tenu de l’opacité de sa galaxie financière, difficile de comprendre si Michel Ohayon a encore les moyens de ses ambitions. A Bordeaux, il avait racheté le bâtiment du Virgin Megastore en 2015, deux ans après sa fermeture, pour en faire un hôtel cinq étoiles avec brasserie gastronomique, épicerie fine et bar de nuit. Huit ans après, tout est toujours en projet. Mais c’est le projet d’immeubles de luxe à Marseille qui fait le plus scandale. La première pierre du BAO, porté par la FIB, a été posée en 2017 en présence du maire de la ville, qui était encore Jean-Claude Gaudin. Situé dans le quartier de Bonneveine, le BAO devait proposer 9000 m² de boutiques, 5000 m² de résidence services, 110 appartements, une piscine de 20 m de long, 2000 m² d'espaces extérieurs, un parking, une conciergerie, un espace fitness, etc. Mais c’est toujours un chantier dont la FIB ne cesse de reculer la livraison. Les acheteurs de logements toujours pas livrés ont crié au scandale tout comme les entrepreneurs qui n’auraient pas été payés. La dette de la FIB s’élèverait à 3,5 millions d’euros pour ce seul projet qui fait l’objet de procédures en recouvrement devant le tribunal de commerce de Marseille.

Michel Ohayon a reconnu dans la seule interview qu’il a donné à Sud-Ouest le 18 février ,que sa diversification dans le commerce de détail était "contra-cyclique". Un euphémisme car la pandémie de Covid a révolutionné les modes de consommation et entraîné une grande désaffection pour les courses en centre ville et les marques de textile de fast fashion qui ferment boutique les unes après les autres. Dernière en date, les chaussures San Marina dont les magasins ont fermé samedi entraînant le licenciement de plus de 600 vendeurs et vendeuses. 

Loin de prendre la mesure de cette révolution des modes de consommation qui rendent impossible le paiement de loyers exorbitants dans des rues commerçantes prestigieuses, Michel Ohayon continue à croire en son avenir. L’homme d’affaires a affirmé qu’il travaillait sur un plan stratégique de redressement et que la "FIB était solide puisqu’elle disposait de beaux actifs immobiliers qui la rendait solvable malgré ses problèmes de liquidités". L’effondrement de l’empire bordelais témoigne plutôt d’un phénomène de fuite en avant par l’investissement dans des actifs immobiliers dont la valeur pourrait être fortement impactée par le retournement du marché et la baisse d’attractivité des magasins. Cette absence d’anticipation sur les changements radicaux de consommation qu’amènent les crises multiples du moment, est en tous cas une démonstration que les "stranded assets", ces actifs totalement dévalorisés qui font le naufrage de leurs actionnaires, n’est pas un phénomène réservé au secteur de l’énergie. Les rues commerçantes de toutes les grandes villes en témoignent. On n’y compte plus les liquidations et les magasins abandonnés par les enseignes qui ont fait leurs grandes heures.■


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