Les États-Unis et l’Europe s’engagent sur la voie de politiques industrielles vertes concurrentes mais complémentaires

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L'ACTU

Les États-Unis et l’Europe s’engagent sur la voie de politiques industrielles vertes concurrentes mais complémentaires

Par  Paul Kielwasser | Publié le 14/03/2023

L’Inflation Reduction Act (IRA) a introduit de généreuses mesures de soutien aux investissements dans les technologies bas-carbone. Sous la pression des milieux d’affaires et de certains gouvernements, Bruxelles a décliné une stratégie en réponse. L’image d’une "course aux subventions" mélange des inquiétudes légitimes avec une compréhension incomplète des facteurs limitant la décarbonation des économies de l’Union européenne et des États-Unis.

L’IRA fait presque l’unanimité.  Lors de la récente CERAWeek de Houston, Bloomberg rapporte que les PDG d’ExxonMobil et de TotalEnergies ont loué les mécanismes de soutien offerts par l’administration Biden aux technologies vertes. Et pressé l’Union européenne de s’engager dans la même voie, plutôt que de contester une concurrence déloyale. Faute de moyens et de consensus politique Bruxelles ne peut s’aligner et entend construire sur ses acquis. La "course aux subventions" peut accélérer l’agenda de la transition énergétique, mais aussi lui donner un sérieux coup de frein si elle vire au protectionnisme. 

La réponse européenne à l’IRA prend la forme d’un plan industriel inscrit dans le Green Deal, dont les grands principes ont été présentés début février. Bruxelles vise à faciliter les investissements dans les technologies bas-carbone en levant des barrières réglementaires et en soutenant la planification économique : accélération des autorisations pour les projets, sécurisation des approvisionnements en ressources critiques et en capacités de transformation et de production, formation d’une main d’œuvre qualifiée. Le détail des textes législatifs était attendu initialement le 14 mars, mais une controverse autour de l’éligibilité du nucléaire a décalé la sortie de deux jours, rapporte le Financial Times. 

Assouplissement des règles sur les aides d’État

Ces mesures s’accompagnent d’un soutien financier alimenté par la redirection et l’accès ciblé à des fonds structurels de l’Union européenne, mais aussi d’un assouplissement des règles sur les aides d’État. Ce dernier point a suscité la controverse parmi les États membres. Le premier ministre néerlandais Mark Rutte soulignait dans le Financial Times qu’une "course aux aides d’État" minerait la stabilité du marché commun. Il exclut par ailleurs, avec d’autres pays conservateurs sur le plan fiscal, de recourir à une dette conjointe exceptionnelle.  La Commission a choisi le 9 mars une voie médiane en autorisant les États à s’aligner sur les aides promises aux États-Unis, sous condition, dans les secteurs où le risque de délocalisation est le plus important.

Outre-Atlantique, cependant, l’enthousiasme ne suffit plus à masquer les inquiétudes suscitées par la mise en œuvre de l’IRA. Certaines conditions sont jugées irréalisables. Dans le secteur des énergies renouvelables, Bloomberg rapporte par exemple que le crédit d’impôt est divisé par cinq si le quota d’apprentis n’est pas atteint. Un casse-tête face au manque de main d’œuvre qualifiée.

Le service après-vente de l’IRA

Le manque d’assouplissement réglementaire, souvent dans les mains des autorités locales, menace aussi de freiner les effets de l’IRA. Cité par Bloomberg, le chercheur Jesse Jenkins de l’université de Princeton avance que près de 80% du potentiel de réduction des émissions carbone pourrait se volatiliser si le boom des énergies renouvelables est contraint par les infrastructures vieillissantes du réseau électrique. 

Rien n’empêche les fleurons européens de l’économie bas-carbone de profiter de l’aubaine de l’IRA. Les constructeurs automobiles, Volkswagen en tête, ont fait planer la menace de localiser leurs projets de gigafactories pour la production de batteries électriques aux États-Unis si l’Europe ne musclait pas ses aides. Toutefois, comme le rappelle le cabinet d’études Rhodium Group, le dispositif américain vise essentiellement à répondre aux besoins domestiques en matière de décarbonation de l’industrie, des transports et de l’énergie. Pour une planification efficace de la transition énergétique, le partage des bénéfices des innovations technologiques et réglementaires vaut peut-être mieux qu’une "course aux subventions". ■


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