Sous la pression de leurs actionnaires, les groupes acceptent de devenir des sociétés à mission. , Istock
L'ACTU
Orpea et Korian : le statut de société à mission peut-elle les sauver ?
Par Mathilde GOLLA|Publié le 04/03/2022
Après les scandales révélés par l’émission Cash Investigation et le livre Les Fossoyeurs (Fayard) sur la gestion des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) des groupes Orpea et Korian, des voix s’élèvent pour exiger une transformation de leurs modèles. Sous la pression de leurs actionnaires, les groupes acceptent de devenir des sociétés à mission. Mais l'adoption de ce statut peut-elle permettre d’éviter les dérives récemment connues ? "Cette forme de société protégerait mieux les résidents et favoriserait une dynamique inventive du secteur", répond Armand Hatchuel, professeur à Mines ParisTech-PSL Université.
D’après les accusations portées contre les groupes Orpea ou Korian, ces derniers avaient des pratiques sociales et de gouvernances en infraction avec la loi mais aussi contraires aux normes ESG. Pourtant les analystes qui évaluent ces facteurs avant d’investir pour cibler leurs investissements durables n’ont pas détecté ces dérives. "Contrairement à une analyse ESG où les experts contrôlent le respect de certains critères, une entreprise à mission est dotée d’un cadre de gouvernance contraignant et poursuit des objectifs qui ne sont pas uniquement lucratifs", explique Armand Hatchuel. "Un comité de mission indépendant qui comprend la présence d’au moins un salarié est chargé de veiller à la bonne exécution de la mission. Il a un pouvoir d’investigation et il est ensuite auditionné par un organisme indépendant", ajoute un des pères spirituels du concept de société à mission. Ces contrôles offrent donc d’importantes garanties pour veiller au respect des objectifs.
Utile pour les sociétés avec un objet à impact social
"Se doter de ce statut (très nouveau et qui est en train de prendre forme) peut être très utile à toute société qui a un objet a impact social, comme les Ehpad. Dans les cas d’Orpea ou de Korian, y faire participer les associations de famille paraît indispensable et de nature à accompagner la mission avec pertinence", selon Grégoire Cousté délégué général du Forum pour l’Investissement Responsable. "Les secteurs qui accomplissent une mission, comme ceux du soin ou de l’éducation par exemple, devraient devenir des sociétés à mission, pour garantir le respect de leur raison d’être. Cela favorise aussi une dynamique inventive des secteurs", ajoute Armand Hatchuel.
Toutefois, selon certains, ce statut, qui est aujourd’hui adopté volontairement par les entreprises, ne doit pas devenir obligatoire. "Il ne faut pas qu’il soit imposé", défend ainsi Emery Jacquillat, président de la communauté des Entreprises à mission. "Le statut de société à mission peut être un outil formidable pour transformer une société mais pas dans n’importe quelles conditions", ajoute le représentant de la communauté. "Il faut aussi que l’entreprise prenne le temps de définir une mission avec ses parties prenantes pour fixer des objectifs sociaux et environnementaux ambitieux, au même niveau que le profit ", précise le président de l’entreprise à mission Camif.
La qualité de l’entreprise à mission dépend des engagements pris. S’ils sont contraignants, l’adoption du statut peut transformer le modèle. "Il y a toutefois aussi un risque de "purpose bashing" avec des entreprises qui se fixent des objectifs peu ambitieux voire même déjà atteints", alerte Yael Guillon, co-fondateur de Imfusio. "Le risque est ainsi de discréditer le statut avec des sociétés qui ne sont pas vraiment prêtes à changer", ajoute-t-il. "La qualité de société à mission c’est ce que l’entreprise en fait et si la société échoue à se transformer c’est son échec", estime Emery Jacquillat.■
ARTICLES ASSOCIÉS
Allégation et greenwashing : vendre du faux durable devient un risque juridique coûteux

"Créer de la valeur doit être déconnecté de la notion de croissance volumique", Christopher Guérin de Nexans

McDonald’s : la colossale amende relance la question de l'abus de la pratique des prix de transfert

Le nombre d'entreprises qui valident leurs objectifs climatiques par l’initiative SBT a doublé en un an
