Plaintes, saisines de l'AMF... Les actionnaires minoritaires d’Atos s'en prennent à la gouvernance du groupe

@Eric Piermont / AFP

L'ACTU

Plaintes, saisines de l'AMF... Les actionnaires minoritaires d’Atos s'en prennent à la gouvernance du groupe

Par  Arnaud Dumas | Publié le 28/09/2023

Les actionnaires minoritaires du groupe Atos ne veulent pas de la cession de Tech Foundations à la société de Daniel Kretinsky. Entre une plainte pour corruption auprès du Parquet national financier, une saisine de l’AMF et la création d’une association d’une centaine de petits porteurs prêts à en découdre, la gouvernance d’Atos se retrouve sérieusement remise en question.

La cession ne se déroule pas en douceur. Le groupe Atos a annoncé au milieu de l’été avoir conclu un accord pour céder Tech Foundations, l’entité qui regroupe ses activités historiques d’infogérance, à EP Equity Investment, la société de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky. Depuis, les actionnaires minoritaires du groupe ne décolèrent pas. L’un d’entre eux, la société Alix AM basée à Singapour dirigée par le Français Jérôme Ferracci, a décidé de porter l’affaire devant le Parquet national financier, selon des informations dévoilées par Mediapart. Elle a déposé une plainte contre deux dirigeants du groupe pour corruption active et passive, signalant le plan d’intéressement pour ces deux personnes en cas de succès de l’opération comme relevant d’un possible conflit d’intérêt.

Le groupe s’est défendu dans un communiqué, en expliquant que la rémunération en cas de rachat s’appliquait à "l’ensemble de la future équipe dirigeante de Tech Foundations et non à certains dirigeants uniquement". Il ajoute que ce type de package est "habituel dans ce type d’opérations" et sera financé par l’acquéreur.

Saisine de l’Autorité des marchés financiers

Cette plainte n’est pas la seule manifestation de l’énervement grandissant des actionnaires face au management et au conseil d’administration du groupe. La société de gestion CIAM a saisi l’Autorité des marchés financiers (AMF) et le conseil d’administration pour protester contre les modalités de la cession de Tech Foundations et pour dénoncer le mode de gouvernance du groupe. Selon CIAM, le plan annoncé le 1er août 2023 prévoyant la cession à Daniel Kretinsky était en contradiction avec la stratégie présentée lors de l’assemblée générale du mois de juin. Le fonds d’investissement critique également le prix de la cession, jugé peu clair, et pointe le même potentiel conflit d’intérêt relevé par Alix AM.

Les petits porteurs du groupe font également entendre leur vif mécontentement. Ils ont constitué une association à la fin du mois d’août, l’Union des actionnaires d’Atos constructifs (Udaac), qui réunit plus d’une centaine d’actionnaires individuels détenant à eux tous autour de 0,5% du capital du groupe. Ensemble, ils prévoient d’attaquer nommément chacun des membres du conseil d’administration devant un tribunal civil en arguant la faute de gestion. Ils veulent également saisir le tribunal de commerce en référé afin d’obtenir des documents relatifs à la cession de Tech Foundations qu’ils avaient demandé par courrier auprès de l’AMF.

Toutes ces différentes actions lancées par les actionnaires se rejoignent pour critiquer la gouvernance d’Atos. Le nom de Bertrand Meunier, le président du conseil d’administration, revient régulièrement dans les discussions des actionnaires minoritaires. La plupart souhaite son départ, l’estimant responsable de la déroute du cours de Bourse de l’entreprise, le titre valant aujourd’hui moins de 7 euros, contre près de 75 euros en 2021. Déjà lors de l’AG de juin dernier, un concert d’investisseurs, dont Sycomore AM, avait tenté d’obtenir le départ de Bertrand Meunier. Ils avaient fait inscrire à l’ordre du jour une résolution en ce sens, qui avait obtenu près de 33% de votes favorables.

En interne, les remous commencent aussi à se voir. L'un des dirigeants d'Eviden, l'entité qui regroupe les activités stratégiques d'Atos, en a fait les frais. Selon le magazine Challenges, Jean-Phillipe Poirault, le directeur général d'Atos BDS (Big Data et cybersécurité), a été remercié cette semaine. Le PDG du groupe a choisi de le remplacer par Philippe Oliva, le directeur général délégué d'Atos BDS.

Empêcher la cession de Tech Foundations

Les actionnaires minoritaires s’accordent également sur leur intention de stopper la vente de Tech Foundations à EP Equity Investment. "La modification du plan de transformation décidée par le conseil d’administration afin de céder l’activité Tech Foundations à Monsieur Kretinsky est défavorable à la société et à ses actionnaires", déclarent ainsi dans un communiqué Catherine Berjal et Anne-Sophie d’Andlau, les cofondatrices de CIAM. L’Udaac, de son côté, travaille sur un plan B qui comprendrait notamment la nomination de nouveaux administrateurs experts des métiers d’Atos pour aider à la construction d’un nouveau plan stratégique. Celui-ci comprendrait un plan de cession afin de financer la restructuration de Tech Foundations, qui serait conservée dans le groupe.

Face à ce déferlement de critiques, la direction d’Atos menace de saisir elle-aussi les tribunaux contre les actionnaires. "La critique systématique, injustifiée de la société et sa médiatisation orchestrée lui portent préjudice ainsi qu’à ses équipes, ses salariés, ses actionnaires de long terme et ses clients", écrit-elle. Les actions des minoritaires font le jeu des vendeurs à découvert en faisant chuter le cours de Bourse, estime l’entreprise.

C’est donc dans une atmosphère à couteaux tirés que tous se préparent pour la prochaine assemblée générale extraordinaire qu’Atos doit réunir d’ici la fin de l’année. Le groupe y fera valider par ses actionnaires son nouveau plan de transformation incluant la cession de Tech Foundations ainsi que des augmentations de capital. La réunion donnera l’occasion aux actionnaires minoritaires d’exprimer leurs désaccords par des dépôts de résolution actionnariales, ou bien par leurs votes. ■


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