Pour les marchés financiers, la Russie est un stranded asset et l’Armageddon nucléaire possible

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L'ACTU

Pour les marchés financiers, la Russie est un stranded asset et l’Armageddon nucléaire possible

Par  Novethic, Anne-Catherine HUSSON-TRAORE | Publié le 08/03/2022

Secteur virtuel à l’agilité programmée à la nanoseconde, les marchés financiers se sont rapidement réorganisés autour de la guerre en Ukraine. Il n’aura fallu qu’une dizaine de jours pour dévaloriser les actifs russes, devenus stranded assets par l’exclusion massive dont ils font l’objet, et un délai encore plus court pour que la menace nucléaire soit prise au sérieux.

Pour le fonds norvégien, ses 2,7 milliards de dollars d’actifs russes ne valent plus rien. Les actions des entreprises russes cotées à Londres ont perdu plus de 90 % de leur valeur et la Société Générale s’est dite prête à absorber une perte sèche pour sa filiale russe Rosbank. Elle valait plus de 2 milliards de dollars l’année dernière et était très rentable mais le groupe bancaire français a perdu 44 % de sa valeur boursière sur un mois à cause de son exposition à la Russie, incarnée par cette filiale. Il y a quelques semaines tous ces actifs étaient prospères mais l’évaporation de leur valeur financière a fait d’eux des stranded assets (actifs échoués). 

Ce type de risque est celui qu’on évoque généralement pour les énergies fossiles dont la production est largement incompatible avec les objectifs de limitation du réchauffement climatique de l’Accord de Paris. Pour l’instant si elles ne sont pas russes, elles échappent à la tendance puisque le prix du pétrole flambe. Cela permet à TotalEnergies de limiter ses pertes financières liées à sa forte exposition à la Russie où la compagnie souhaite rester. Elle n’a perdu qu’un peu plus de 13 % en un mois ce qui est beaucoup moins que la Société Générale ! 

La mise au ban financière des actifs russes se traduit aussi dans la gestion indicielle. BlackRock a indiqué qu’il n’achetait plus de titres russes depuis l’invasion de l’Ukraine. Ils représentaient moins de 0,01 % des 10 000 milliards de dollars que le géant mondial gère pour ses clients. Il souhaite aussi les exclure de la quasi-totalité de ses indices. MSCI et FTSE Russell à Londres ont annoncé la même démarche qui sera effective cette semaine. Cela concerne par exemple Polymetal International, spécialiste russe des métaux précieux, qui sera sorti du FTSE Russell 100 à partir du 21 mars après avoir perdu 86 % de sa valeur.

La "strandification" ultrarapide des actifs russes est, pour Kate Mackenzie, consultante spécialisée dans la lutte contre le changement climatique, "une leçon à tirer pour les investisseurs et les entreprises qui investissent dans d'autres régimes problématiques exportateurs de pétrole comme la dette saoudienne." Elle ajoute, dans Bloomberg Green : "Quand l'opinion publique se retourne, c'est rapide et laisse peu de place aux justifications du type "il ne faut pas mêler les affaires à la politique". C’est pourquoi il est urgent que les investisseurs se débarrassent de leurs "actifs sales", nuisibles pour le climat et si facilement dévalorisables". 

Toutes les possibilités de destruction massive de valeur sont envisagées par les analystes financiers, y compris l’Armageddon nucléaire.


"Bien qu’il y ait une énorme marge d'erreur, nous attribuerions une probabilité de 10 % à une guerre nucléaire mondiale mettant fin à la civilisation au cours des 12 prochains mois", a écrit Peter Berezin, en charge de la stratégie mondiale de BCA Research, dans une note à ses clients. Malgré cela il les encourage à "rester optimiste (stay bullish) sur les actions dans les 12 prochains mois car d’un point de vue financier, il faut ignorer ce risque existentiel même s’il vous terrifie personnellement". "Stay Bullish" disent donc les marchés financiers qui tanguent pourtant dangereusement au fur et à mesure de l’avancée de la Russie en Ukraine ! 

 
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