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L'ACTU
Semaine de la finance responsable : les épargnants demeurent dans le flou sur les placements durables
"Il y a encore un problème d’alignement entre l’offre et la demande", déplore Nathalie Lhayani, présidente du Forum de l’investissement responsable (FIR) et directrice de la politique durable du groupe Caisse des dépôts. Alors que s’ouvre la semaine de la finance responsable, du 25 septembre au 8 octobre, le FIR dévoile les résultats du sixième baromètre sur les Français et la finance responsable, réalisé par l’Ifop. Les conclusions montrent l’ampleur du chemin à parcourir par l’écosystème de la finance durable pour parvenir à verdir l’épargne. "Les Français disent accorder de l’importance à l’impact ESG de leurs décisions d’investissement, mais rares sont ceux qui se voient proposer des produits responsables", reprend la présidente du FIR.
Pour les acteurs du marché, la finance durable est devenue incontournable ces dernières années, poussée notamment par le renforcement de la réglementation européenne. Pour l’investisseur final, en revanche, le message ne semble toujours pas avoir abouti. Seuls 16% des épargnants disent savoir ce qu’est un investissement responsable. Ils sont un peu plus au fait du financement participatif (pour 22%) ou de l’épargne solidaire (20%), mais la notoriété reste faible. Seul élément positif : la tranche d’âge des 25-34 ans est celle qui connaît le mieux ces enjeux, 27% connaître l’investissement responsable.
Difficulté d’accès à l’information
Si près de 67% des Français estiment que les aspects sociaux et environnementaux sont importants dans leurs décisions d’investissement, ils ne sont en fait que 13% à déclarer avoir déjà investi dans un fonds durable. Un chiffre bien faible, même s’il a presque doublé par rapport à l’année dernière, où il n’était que de 7%.
Ce peu d’engouement s’explique en grande partie par une difficulté d’accès à l’information. Près de 70% des Français estiment que leur conseiller bancaire ou financier est le mieux placé pour les informer. Or ceux-ci demeurent toujours aussi peu bavards sur le sujet. Seuls 15% des épargnants déclarent s’être vu proposer un placement responsable lors d’un rendez-vous avec leur conseiller. La directive Mifid2 impose pourtant aux conseillers de questionner sur les préférences ESG des clients. Mais elle ne semble pas se traduire par une offre de produit durable.
Une autre explication tient aussi sans doute au manque de confiance dans les produits d’investissement responsable. Ils sont 38% à estimer que ces placements peuvent avoir un impact positif sur l’environnement et la société et seuls 7% à penser que leur impact est négatif. La grande majorité (55%) pensent que l’investissement durable ne produit pas d’effet… Pour 74% des Français, l’investissement durable constitue surtout un argument marketing pour les établissements financiers.
Risque sur le label ISR
"Il y a une méfiance des Français sur ces produits, ce qui suppose de travailler sur leur labellisation", déclare Nathalie Lhayani. C’est tout l’objet de la refonte du label ISR, dont le texte final a été présenté cet été, qui vise à renforcer les critères de labellisation pour donner plus de crédit aux fonds ISR. L’une des principales nouveautés résidait dans l’obligation d’exclure certains secteurs d’activité, comme les entreprises présentes dans la production de pétrole ou de gaz non conventionnels, ou encore celles dont les activités sont liés au charbon thermique.
Le projet de refonte du label se trouve en ce moment sur le bureau du ministre de l’Économie et des finances qui doit lui donner son approbation pour que le nouveau référentiel entre en vigueur. Celui-ci semble cependant hésiter, selon des informations de L’Informé. Les critères d’exclusion, qui aboutiraient à ce que des entreprises comme TotalEnergies ne puissent plus faire partie des fonds ISR, pourraient être remis en question sous la pression des lobbys. Une partie des sociétés de gestion s’était déjà exprimée contre ces critères jugés trop stricts lors de la consultation sur la refonte du label, ces sociétés de gestion craignaient que l’univers d’investissement soit trop restreint. Au risque, pourtant que les épargnants perdent définitivement confiance dans un label trop peu sélectif. "Le message du FIR, c’est qu’il ne faut pas détricoter ce qui a été fait jusque-là", tranche Nathalie Lhayani. "Il ne faut pas qu’il soit possible de remettre des entreprises fortement émissives dans les fonds ISR", ajoute-t-elle.
La version finale du label ISR devrait normalement être dévoilée fin octobre par le ministère. Le traditionnel Climate Finance Day, qui se tient tous les ans fin octobre depuis 2015, aurait fourni l’occasion parfaite pour dévoiler le nouveau référentiel. Mais, selon les informations de l’Agefi, l’Institut de la finance durable, le nouveau nom de Finance for tomorrow, a décidé de le décaler au printemps de l’année prochaine.■
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