@Joel Saget / AFP
L'ACTU
SG : la fusion algorithmique de la Société Générale et du Crédit du Nord handicape ses clients
La stratégie d’absorption par la Société Générale de nombreuses banques régionales dont le Crédit du Nord atteint un point d’orgue informatique jusqu’au mardi 16 mai. Une première phase d’intégration des banques régionales Tarneaud, Rhône-Alpes, Laydernier et Nuger a eu lieu en mars. La seconde phase concernant les banques Courtois, Kolb, Société Marseillaise de Crédit, Société de Banque Monaco et surtout Crédit du Nord et ses deux millions de clients, est programmé du 12 au 16 mai. Cette opération très lourde puisque les clients vont changer de RIB et de référence bancaire, entraîne une fermeture des services : agences fermées pour la Société Générale, banque en ligne indisponible tout le week-end comme le centre de relations clients, pas plus d’appels possibles aux conseillers à distance côté Crédit du Nord, le temps de faire la migration informatique.
Ce "black-out" côté clients permet aux 1600 salariés du groupe mobilisés dont 70% d’informaticiens de faire les opérations de transfert. Les clients de ce nouveau réseau, SG, doivent en principe découvrir le nouvel espace de services de cette banque de détail géante mardi grâce à un nouveau code client envoyé par courrier ou SMS. En attendant, pas de possibilité de virement ou de consultation de ces relevés de compte entre autres. Dans un contexte où les banques qui réduisent leurs effectifs, transfèrent de plus en plus de tâches à leurs clients en vantant la possibilité qui leur est offerte de faire leurs opérations aux heures où les agences sont fermées, ce choix du week-end se fait au détriment des clients particuliers disponibles à ce moment-là.
La stratégie de fusion entre la Société Générale et le Crédit du Nord, annoncée fin 2020, consiste à miser sur les synergies des deux banques pour améliorer rentabilité et performances. Cela signifie que le projet SG doit permettre d’économiser 450 millions d’euros d’ici 2025 en fermant 450 agences en France. Au départ, l’objectif était de 600 fermetures soit 30% du parc mais la fusion, très contestée par les syndicats, a donné lieu à d’âpres négociations depuis trois ans.
Un projet big bang
En 2021 un rapport critique de l’expert indépendant Secafi parlait "d’un projet big bang porteur de risque d’exécution très elévés" expliquant qu’environ "un tiers des synergies de coûts attendues correspondraient aux économies sur le système informatique, les deux tiers restants, soit environ 300 millions d'euros, à des économies sur les frais de personnel hors informatique et des charges immobilières en lien avec les réductions d'effectifs (regroupement des back-offices et des fonctions centrales, diminution du nombre de conseillers et de directeurs d'agence du fait notamment du traitement à distance d'une partie de la clientèle et du regroupement d'agences) et de la fermeture de sièges et d'agences". L’un des risques pointés par le rapport était celui de perdre des clients dans cette opération qui a des impacts importants pour eux. Ils doivent changer de banque et s’adapter à une nouvelle offre de services sans l’avoir demandé.
Parties prenantes de choix pour des banques qui ont besoin de leur argent, on peut s’interroger sur le choix fait par les grandes banques cotées de réduire au maximum leurs coûts de traitement des clients en leur affectant des traitements algorithmiques plutôt que des chargés de clientèle. Le tout à un moment où les distributeurs bancaires sont en même temps devenus une cible pour les militants les plus radicaux contre la réforme des retraites mais aussi contre le projet EACOP de TotalEnergies en Ouganda. Un distributeur de la Société Générale a été pris pour cible par exemple à Saint-Etienne, la semaine dernière par les militants d’Extinction Rebellion.
Renouvellement du business model
Ces difficultés auxquelles sont confrontés ses clients n’a pas refroidi l’enthousiasme de Frederic Oudéa, le dirigeant de la Société générale qui quitte ses fonctions le 23 mai lors de l’Assemblée Générale de la Société Générale. "Nous avons franchi avec succès des étapes très importantes dans le renouvellement du business model du Groupe et l’exécution réussie de grands projets stratégiques tels que la mise en place de notre nouvelle banque de détail SG", s’est-il félicité dans un communiqué de presse publié le 12 mai avant la finalisation de la seconde migration informatique.
Le communiqué dédié aux résultats du 1er trimestre du groupe bancaire dont les revenus sur cette période sont en retrait de -3,8%, précise que "la banque de détail est impactée par une baisse de la marge nette d’intérêts". Le mari de la ministre des Sports devenant président du groupe pharmaceutique Sanofi, c’est donc son successeur, Slawomir Krupa, qui fera le bilan de l’opération de fusion auprès des actionnaires comme des clients. À la tête d’une nouvelle équipe qui prend les commandes le 24 mai avec la mission suivante : "allocation et utilisation performantes du capital que nos actionnaires nous confient, exigence de qualité et de responsabilité dans l’exécution de nos grands projets stratégiques, et performance et rentabilité durables". Un engagement supposé conforme à la raison d’être de la Société Générale : "Construire ensemble, avec nos clients, un avenir meilleur et durable en apportant des solutions financières responsables et innovantes".■
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