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L'ACTU
Un documentaire d’Arte exécute les fausses promesses de la finance durable
Les auteurs du documentaire "La finance lave plus vert" ont pris le parti de montrer la finance durable du point de vue de l’épargnant qui a de fortes convictions écologiques. Ils ont choisi deux citoyens suisses, l’un retraité fortuné, l’autre militante d’Extinction Rebellion sans épargne, mais avec des cotisations de retraite pour remonter le fil.
Le premier explique qu’il a évalué son empreinte carbone et que c’est son portefeuille qui pèse le plus lourd. La seconde a tenté de manifester devant les banques suisses pour alerter sur le financement des énergies fossiles. Tous deux veulent agir et s’informer pour préserver l’environnement et lutter contre le changement climatique. Le fil rouge de l’enquête consiste à repérer dans différents produits de finance durable, les entreprises qui semblent des anomalies de sélection et d’expliquer pourquoi leur présence décrédibilise l’ensemble de la démarche de façon très claire et pédagogique.
Faible contribution à la transformation de l’économie
Le résultat est assez désastreux pour plusieurs acteurs, comme l’inventeur suisse, Bertrand Piccard, qui a donné son nom à un produit de placement, ou encore Lombard Odier, la banque suisse qui fait la promotion de la finance durable en séparant le monde entre les aigles, qui savent la repérer, et les autruches qui refusent de voir les risques environnementaux. L’agence de notation ESG Sustainalytics en prend aussi pour son grade sur son activité de certification des obligations vertes. Mais plus largement le documentaire dénonce la très faible contribution de la finance durable à la transformation de l’économie. Il souligne qu’elle lui offre des moyens de poursuivre son activité en promettant de maintenir croissance et profits mais avec des bénéfices environnementaux. Une posture mise à mal quand les impacts environnementaux négatifs semblent bien supérieurs à ces bénéfices.
Pour illustrer leurs propos, Romain Girard et Matteo Born ont choisi deux entreprises, la belge Umicore, valeur chère aux fonds thématiques environnementaux, et Majid Al Futtaim, entreprise basée à Dubaï, spécialiste des stations de ski implantées dans les centres commerciaux de zones désertiques. Pour Bertrand Piccard, Umicore est LA valeur symbole d’une transition réussie puisqu’elle est passée en vingt ans d’une activité minière très polluante à une activité tournée vers la technologie des matériaux pour la production de cellules solaires de haute qualité des satellites, des batteries rechargeables, des applications LED. En plus elle travaille sur leur recyclage ! Les documentaristes ne contestent pas cela, mais ils montrent qu’Umicore a laissé à ciel ouvert dans les Cévennes et en Flandres des volumes considérables de déchets dangereux, cancérigènes et radioactifs et que cette pollution est responsable des graves problèmes de santé des riverains atteints de cancers, en particulier dans les Cévennes.
Hérésie environnementale
Leur second exemple est Majid Al Fouttaim, entreprise de Dubaï éligible aux fonds durables par son rating ESG alors que son activité semble un oxymore durable : développer au Moyen-Orient et en Chine des stations de ski indoor avec fausse neige et vrais pingouins. Après Dubaï et l’Egypte, Oman et Shangaï doivent ouvrir bientôt. Hérésie environnementale, l’entreprise a pu lever 1,2 milliard de dollars grâce à une obligation verte destinée à réduire la consommation d’eau et d’électricité des centres commerciaux où sont installées les stations de ski !
Pour enfoncer le clou sur les paradoxes de la finance durable, le documentaire donne enfin la parole à la lanceuse d’alerte qui a dénoncé les mensonges de DWS sur ses 459 milliards d’euros d’encours ESG. Leur conclusion consiste à montrer le dilemme des gestionnaires de caisses de retraite dont la mission consiste à maintenir des profits pour financer les retraites de leurs cotisants alors qu’ils savent bien que pour "sauver le monde", il faudrait faire d’autres choix de placements. Sarah Perrin qui découvre ainsi que sa cotisation retraite est placée sur les marchés financiers, s’indigne : "Le monde économique et financier continue sur sa lancée alors qu’il doit changer et c’est nous que l’on culpabilise sur nos éco gestes !" À l’image du documentaire, elle finit quand même sur une note optimiste en soulignant qu’il faut informer les citoyens sur la destination de leur épargne pour qu’ils puissent ensuite faire des choix éclairés.■
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