Une grande enquête qui a mobilisé plus de 68 médias révèle comment Chypre est devenue une plaque tournante d'opérations financières douteuses. , ICIJ
L'ACTU
Une enquête internationale dévoile la face cachée de Chypre, paradis fiscal des oligarques russes et des nouvelles technologies
"Bienvenue dans le paradis européen des entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies. Impôts ridiculement bas, proximité d’Israël et de ses sociétés high-tech, conditions de vie agréables, présence historique d’une importante minorité russe d’investisseurs fortunés" ainsi commence un des volets de l’enquête publiée par Le Monde dans le cadre du projet "Cyprus Confidential" coordonné par le Consortium international des journalistes d’investigation.
Finance, logistique et tourisme sont les trois mamelles de Chypre devenue en dix ans un carrefour pour les entreprises technologiques qui veulent avoir un accès à l’Europe sans en respecter les règles ou presque. La finance à elle seule représente 8 % du PIB de l’île. En revanche c’est la seule entité européenne où il n'y a eu aucune enquête sur la délinquance financière en 2022. Chypre est pourtant une île européenne à qui les institutions de contrôle ont régulièrement demandé des comptes. En vain.
Il faut dire que 50 000 Russes y sont nationalisés, les avoirs des plus fortunés y sont localisés comme ceux de Roman Abramovitch, ex-propriétaire du club de football de Chelsea. Argent sous sanction mais aussi "start up island" où les Russes aux compétences technologiques se sont réfugiés après la guerre en Ukraine.
"En tant que comptable à Chypre..."
En 2022, 1200 entreprises étrangères pour l’essentiel dans la tech se sont installées à Chypre et se débrouillent pour payer en moyenne 2,5 % d’impôts sur les sociétés. Un autre volet de l’enquête met l’accent sur l’empire d’Intellexa fondé par un israélo chypriote Tal Dilian. Il vend illégalement des technologies de surveillance très sophistiquées dont le logiciel espion Predator qui absorbe toutes les données d’un téléphone portable. Ces technologies sont vendues à des régimes dictatoriaux et les produits des ventes sont largement dissimulé dans des paradis fiscaux à travers des sociétés-écrans dans plusieurs pays européens ainsi qu’à Hongkong et dans les îles Vierges britanniques. "Cela ne pourra pas durer longtemps" dit une députée européenne ajoutant "alors que cette entreprise est sur liste noire américaine, nous la laissons opérer en Europe".
Cette idée que l’impunité chypriote et la volonté manifeste d’échapper aux règlementations européennes cessera bientôt est partagée par certains professionnels chypriotes à l’image de Demetris Philippou. Dans son post il écrit : "En tant que comptable à Chypre, je comprends l’importance d’équilibrer la croissance économique avec une finance responsable. C’est le moment pour nous, professionnels de la finance, de diriger avec intégrité et de renforcer la confiance dans nos services. C'est une opportunité de développer et de renforcer notre secteur financier, en garantissant qu'il est robuste et jouit d’une bonne réputation." Si son souhait va dans le bon sens, il reste tout à faire !
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