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MARKET TRENDS
Fonds durables : le grand malentendu entre l’offre et la demande mine le développement d’un marché prometteur
Le décalage entre l’offre de fonds durables et la demande des investisseurs potentiels est de taille, comme vient de le montrer l’étude de Boring Money, organisation britannique qui affiche sa volonté de simplifier l’accès à la finance en s’adressant à ceux qui n’y connaissent rien. Boring Money a mis en regard des attentes de ses clients la composition des fonds durables classés en article 8 et 9 dans la base de données de Morningstar.
Ils ont choisi des thèmes réclamés par les clients, côté négatif ce qu’ils ne veulent pas et côté positif ce qu’ils veulent, pour regarder ensuite si ces thèmes se retrouvaient dans les fonds susceptibles de leur être proposés. Les investisseurs veulent à plus de 70 % que les fonds excluent les tests sur animaux tout comme le jeu, le tabac et les armes. Si les fonds ont bien tendance à exclure le tabac et les armes à la fois pour des raisons de santé et d’éthique, on ne trouve le critère d’exclusion des tests sur animaux que dans 2 % des fonds durables disponibles !
Peu d’investissements verts malgré la demande
Mais le décalage est surtout manifeste sur le versant positif. Plus de 57 % des clients veulent investir dans les énergies renouvelables, alors que seuls 7 % des fonds le proposent. De même, 43 % veulent investir dans l’agriculture et l’alimentation durable et cela n’est offert que pour 6 % des fonds. La conclusion de l’étude de BoringMoney est qu’un tel malentendu fait grandir les soupçons de greenwashing autour des fonds durables. Sa fondatrice Holly Mackay explique : "ils ne font pas du greenwashing à proprement parler puisqu’ils ne prétendent pas investir dans l’économie verte, mais en revanche ils ne font pas ce que leurs clients attendent : investir dans une économie vraiment verte. Le cas des énergies fossiles montrées du doigt pour leur contribution au changement climatique est particulièrement flagrant. Selon notre étude, 62 % des consommateurs veulent les exclure et seuls 21 % des fonds le font !"
Les conseillers financiers vont donc avoir une partie difficile à jouer pour appliquer la règlementation Mifid 2 et intégrer les questionnaires ESG à leur argumentation commerciale. Une étude récente montre que la première stratégie est de laisser une faible part de décision aux clients sur les choix ESG. Selon Greg Davies, spécialiste de la finance comportementale, la part de choix sur l’orientation ESG laissée aux clients serait de 28 % en moyenne, le reste émane du conseiller financier ou du gérant.
Développer la R&D sur des indicateurs compréhensibles
Autre tendance, le fait de noyer l’explication sur la dimension durable du fonds sous une avalanche de jargon règlementaire incompréhensible. Cela tend à se développer dans les sociétés de gestion où les services juridiques ne prennent pas à la légère les engagements climat et qui, pour ne pas être attaquées sur le fait qu’elles ne tiennent pas leurs engagements, donnent le moins possible d’objectifs et d’indicateurs d’impacts qui rendent lisible, transparente et compréhensible leur démarche durable.
Autre option : annoncer qu’on réduit les émissions carbone en investissant dans des fonds durables. Cette stratégie risque fort d’exposer ses adeptes aux attaques pour allégations environnementales. En résumé pour être crédibles les fonds durables, vont devoir muscler la recherche et développement sur la mesure de performance environnementale et sociale avec des indicateurs adaptés aux épargnants.■
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