Adrienne Horel-Pagès, La Banque Postale : "Nous voulons ajouter l’impact aux dimensions habituelles de rendement et de risque"

Adrienne Horel-Pagès a été nommée directrice de l'engagement citoyen de La Banque Postale. , @LBP

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Adrienne Horel-Pagès, La Banque Postale : "Nous voulons ajouter l’impact aux dimensions habituelles de rendement et de risque"

Par  Novethic, Arnaud DUMAS | Publié le 16/09/2021

Après un parcours dans la branche de gestion d’actifs de la Banque Postale, Adrienne Horel-Pagès a été nommée cette année directrice de l’engagement citoyen de la banque. Neutralité carbone, transformation en société à mission… un vaste chantier s’ouvre devant elle. La Banque Postale travaille notamment sur un Indice d’impact global visant à mesurer l’impact environnemental, social et territorial de ses financements et investissements.

La Banque Postale est en pleine transformation. Comment cela se traduit-il dans vos métiers ?

Adrienne Horel-Pagès : Le cœur de notre stratégie consiste à miser avant tout sur la transition juste, c’est-à-dire d’accompagner la transition écologique en minimisant les impacts sociaux et en accompagnant la refonte d’un modèle social plus inclusif. Cette stratégie se retrouve dans notre raison d’être. Pour la mettre en œuvre, nous devons en premier lieu travailler sur la gouvernance. Nous souhaitons devenir une entreprise à mission. Nous présenterons le résultat de nos travaux au moment des résultats annuels en mars 2022. D’ici là, nous devons définir nos objectifs en lien avec notre raison d’être, qui deviendront statutaires, et nous devons constituer notre comité de mission.

Mais nous avons en quelque sorte fait le chemin à l’envers, car nous avons déjà créé une feuille de route pour notre engagement citoyen dans notre plan stratégique. Notre stratégie s’inscrit dans notre histoire : parmi les missions de service public confiées à la Poste se trouve celle de l’accessibilité bancaire. Cela permet à toute personne sur tout le territoire d’utiliser le livret A comme un compte courant. Cela représente 1,5 million de clients en accessibilité bancaire. Nous avons donc un ADN très orienté sur le sociétal.

Cette stratégie, nous l’étendons en particulier sur la dimension environnementale. Nous développons ainsi une offre de produits sur la transition juste, comme les prêts verts pour les collectivités locales ou encore les prêts à impact pour les personnes morales que nous venons de lancer et dont le taux est indexé à des critères extra-financiers déterminés client par client. Nous avons également créé les crédits à la consommation à impact pour les particuliers, pour la rénovation énergétique ou pour l’achat de voiture.

Vous travaillez également sur un Indice d’impact global. De quoi s’agit-il ?

C’est une chose d’avoir une offre de produits citoyens, mais nous voulons aller plus loin et ajouter une dimension d’impact aux dimensions habituelles de rendement et de risque qui gouvernent les produits financiers. Nous n’en sommes qu’aux prémices du projet d’Indice d’impact global (2IG), nous avons pour l’instant défini le périmètre et le concept. Jusqu’à la fin de l’année, nous allons nous attacher à modéliser l’indice, ce qui représente un enjeu important sur les données nécessaires. À terme, notre objectif est que cet Indice d’impact global soit déployé sur tous nos métiers.

Qu’a-t-il vocation à mesurer ?

L’Indice d’impact global vise à mesurer l’impact de nos décisions de financement et d’investissement. Notre outil ne porte pas uniquement sur l’impact climatique de nos activités, nous voulons mesurer l’impact environnemental, social et territorial. Pour le social, il s’agit de prendre en compte des données relatives au droit du travail, pour le territorial nous allons nous pencher sur les parties prenantes, le devoir de vigilance, etc. Ce sont des données beaucoup moins normées que pour l’environnement. Le WWF est partenaire de cette initiative pour nous aider à travailler sur la mesure de l’impact.

Sera-t-il contraignant pour les décisions de financement et d’investissement ?

C’est ce sur quoi nous travaillons. Nous voulons évaluer la pertinence et voir quel niveau de contrainte placer sur l’utilisation de cet indicateur par les collaborateurs. Mais avant tout, nous voulons mesurer l’impact et sensibiliser en interne sur ce projet. Son utilisation sera ensuite progressive.

Comment est-ce que cela va se concrétiser pour vos clients finaux ?

La clé, c’est la formation des conseillers, sur laquelle nous allons accélérer. L’autre enjeu, c’est la transparence sur le contenu de nos produits. La réglementation, notamment SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), nous pousse à la transparence, mais ce n’est pas toujours très clair pour les clients. D’où cet indice d’impact global.

Nous voulons aussi développer des fonds plus thématiques. Nous avons déjà le fonds ISR action environnement, de plus d’un milliard d’euros, pour lequel nous allons lancer une part de partage d’ici la fin de l’année, c’est-à-dire qu’une partie des frais de ce fonds sera versée à une association permettant de préserver la biodiversité.

Nous avons déjà toute une gamme de fonds thématiques, sur la santé, sur les droits humains, etc. Ce sont généralement des fonds actions, donc risqués, mais notre objectif avec l’indice d’impact n’est pas d’abolir le risque et le rendement, mais bien d’ajouter l’impact. Et tout cela fait partie des mesures nécessaires pour basculer notre bilan vers la neutralité carbone.

C’est un engagement que La Banque Postale a pris pour 2040. Comment comptez-vous l’atteindre ?

Nous faisons partie des membres fondateurs de la Net Zero Banking Alliance, nous sommes d’ailleurs la seule banque française au comité de direction. Cet objectif se décline dans nos politiques sectorielles, comme celle que nous avons mise en place sur le charbon. Le secteur financier a très bien pris le tournant de la sortie du charbon, c’est moins le cas sur le pétrole et gaz. Nous travaillons en ce moment avec les ONG sur notre politique sur ce sujet.

Mais nous avons un double rôle, celui de contribuer à la neutralité carbone et celui d’accompagner nos clients dans leur transition. Pour le financement, nous pouvons choisir de ne plus financer des projets liés aux énergies fossiles et c’est un choix assez clair. Pour l’investissement, c’est différent. Est-ce que le fait de ne plus investir dans Total aurait un impact ? Non, car en tant qu’actionnaire nous pouvons dialoguer avec l’entreprise. La Banque Postale Asset Management a ainsi participé à la première résolution externe déposé à l’assemblée générale de Total l’année dernière et cela a eu un impact très fort, le management de Total ayant décidé d’une feuille de route climatique. ■


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