Philippe Zaouati, premier président de Finance for Tomorrow, est inquiet pour l’avenir de l’initiative

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Philippe Zaouati, premier président de Finance for Tomorrow, est inquiet pour l’avenir de l’initiative

Par  Anne Catherine Husson-Traore | Publié le 21/06/2022

Le directeur général de Mirova a porté le projet de Finance for Tomorrow, lancé en 2017 pour faire rayonner la finance durable française au sein d’un mouvement en plein essor. À l’heure où Paris Europlace veut faire disparaître l’initiative au sein d’un futur Institut de la finance durable, dans lequel les émetteurs vont jouer un rôle de premier plan, Philippe Zaouati dresse un bilan de tout ce qui a été accompli et alerte sur les conséquences de ce changement de cap.

Quelle est la genèse de Finance for Tomorow ? 

En 2017, suite à un rapport que Paris Europlace m’avait demandé de coordonner, nous avons créé Finance For Tomorrow, avec notamment Pierre Ducret, actuel président de Qivalio, et la première directrice générale de Finance For Tomorrow, Anne-Claire Roux. Peu au sein de la direction de Paris Europlace croyaient alors au succès de cette initiative. Demander aux acteurs de la place une nouvelle contribution financière, prendre le risque d’organiser à Paris chaque année un grand événement comme le Climate Finance Day, cela a demandé beaucoup d’énergie et de persévérance, et surtout beaucoup de conviction.

Quelle était la gouvernance de l’initiative ? 

J’ai eu l’honneur de présider Finance for Tomorrow pendant deux ans. Avant mon départ, nous avons obtenu un changement de gouvernance en créant une "branche" au sein de Paris Europlace, afin d’assurer l’autonomie et la pérennité de l’initiative. Cette modification était nécessaire, mais de mon point de vue insuffisante. C’est la raison pour laquelle j’ai quitté la Présidence.

Pierre Ducret, puis Thierry Déau sont néanmoins parvenus à développer cette initiative de façon remarquable ces trois dernières années. Finance for Tomorrow représente aujourd’hui la partie la plus dynamique et la plus visible de Paris Europlace. Reconnue comme l’interlocuteur de référence des pouvoirs publics, cofondatrice du réseau Financial Centers for Sustainability qui réunit ses homologues du monde entier, Finance for Tomorrow a été choisie pour abriter l’Observatoire de la finance durable, puis l’initiative Impact portée par Bruno Le Maire et Olivia Grégoire et enfin très probablement le pilotage du label ISR.

Le nouveau projet menace-t-il cette dynamique ? 

À plusieurs reprises, la question du renforcement et de l’indépendance de Finance for Tomorrow s’est posée. Dans son rapport sur la compétitivité de la place de Paris, le député Alexandre Holroyd avait proposé la création d’un Institut de la Finance durable, en détachant Finance for Tomorrow de Paris Europlace, dont son rapport faisait une critique sévère. 

Plus tard, le projet de transformer Finance for Tomorrow en une fondation, porté par Thierry Déau et le bureau de l’initiative, a été rejeté par Paris Europlace. Finalement la semaine dernière, le projet d’Institut de la Finance Durable en lieu et place de l’initiative est lancé. Or mis à part le changement de nom et de président, quels sont les objectifs de cette décision prise sans égards pour la gouvernance de Finance for Tomorrow, pourtant inscrite dans les statuts de Paris Europlace, et qui vient d’élire de nouveaux membres de son bureau, dont deux membres du Haut Conseil pour le Climat, Benoit Leguet et Alain Grandjean ? 

En quoi ce projet d’institut vous semble de nature à amplifier le rôle de la finance durable française ?

Le document présenté en conseil d’administration mentionne quatre éléments de valeur ajoutée de la nouvelle structure :

  • une gouvernance élargie avec la participation des industriels : Finance for Tomorrow avait depuis le début un collège entreprises. Tant mieux si on va plus loin mais à condition de ne pas diluer l’agenda et la responsabilité spécifique de l’industrie financière ;

  • des moyens financiers renforcés : très bonne nouvelle, à condition que l’augmentation des cotisations de Paris Europlace prévue à cette fin soit supérieure à celle qu’acquittent actuellement les membres de Finance for Tomorrow - car ils ne paieront pas deux fois - et qu’elle soit réellement affectée à l'institut ;

  • le soutien politique : or Finance for Tomorrow n'en manquait pas puisque tous les ministères concernés sont des membres actifs depuis sa création. Ajoutons que, grâce à l’Ademe, elle bénéficie de fonds européens, notamment pour le développement de l’observatoire. 

  • une utilisation des moyens supplémentaires pour travailler sur les normes européennes : sur ce point aussi Finance for Tomorrow est déjà très active mais tant mieux si cela permet d’unifier les nombreuses réflexions conduites en France sur le sujet. 

Quelles sont les orientations de ce nouveau projet qui vous inquiètent ?

Sur les quatre points précédents, la voie naturelle était le renforcement des moyens de Finance for Tomorrow, sa transformation en un véritable Institut indépendant. La méthode utilisée ressemble donc à une reprise en main, sans pour autant reposer sur une critique documentée de l’existant.

Les chantiers de la nouvelle entité présentés dans le document de Paris Europlace - mesure de l’empreinte CO2, gouvernance, formation aux enjeux climatiques, innovation financière, événements et communication - ne mentionnent ni la biodiversité, ni l’impact social et la transition juste. Gageons que c’est un oubli qui sera vite corrigé, faute de quoi la déception de membres engagés dans le projet initial, pourrait avoir des conséquences sur leurs cotisations.■


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