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Tribune : taxonomie sociale, le temps de la réflexion en quatre questions, par Grégory Schneider-Maunoury
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Depuis le 1er janvier 2023, la taxonomie verte est entrée en vigueur. En revanche, pas de taxonomie sociale avant 2025, du fait d’un certain nombre de blocages et crispations du système d’élaboration des lois, et notamment d’un désaccord persistant entre entreprises, régulateurs, ONG et représentants de la finance responsable. C’est pourquoi il paraît pertinent de prendre le temps de la réflexion. Pour une rentrée efficace mais prometteuse, voici une introduction à cette réflexion.
1) Pourquoi la taxonomie ?
La taxonomie répond à la question : qu’est-ce qu’une entreprise responsable ? L’intérêt de la taxonomie est double. Au niveau de l’entreprise, elle permet pendant la mesure de l’alignement de définir de façon statique les niveaux de performance verte ou sociale des activités identifiées comme vertes ou sociales. Au niveau d’un fonds, dans la décision d’investissement, cela permet de définir le pourcentage d’activités d’une entreprise qui est aligné. Cette notion d’alignement est importante car elle introduit une dynamique. Plus qu’un pourcentage d’alignement aujourd’hui, c’est surtout un pourcentage d’alignement à 3 ans qu’il serait intéressant que les investisseurs estiment et communiquent à leurs clients. Seules les entreprises peuvent communiquer les données d’alignement passé, mais le rôle des agences ESG devrait être d’estimer l’alignement à 3 ans.
2) En quoi l’absence de taxonomie sociale est un problème ?
L’objectif théorique de la taxonomie est de répondre à cette question trop longtemps ignorée : c’est quoi une entreprise durable ? De 2003 à 2018, on s’est plus posé la question du comment que celle du quoi. Le fait d’avoir une taxonomie verte mais pas de taxonomie sociale tendrait à faire croire que le développement durable, c’est surtout une question environnementale. Le social ne relèverait alors que de niveaux minimaux ou de bonnes pratiques à respecter. Cela pose deux problèmes. D’une part, les gérants ne peuvent valoriser une stratégie sociale comme ils valorisent une stratégie verte. Cela cantonne la finance durable à une gestion thématique de fonds verts, ce qui est très réducteur. D’autre part, comment l’Union Européenne qui a toujours mis en avant le modèle social européen peut-elle considérer qu’il n’y a pas ou plus d’objectifs sociaux européens et qu’il s’agit juste de respecter un minimum de règles, conventions et procédures ?
3) Comment construire une taxonomie symétrique de la taxonomie verte ?
Il faut d’abord rappeler que la taxonomie est le fruit d’un consensus politique entre les différentes parties prenantes concernées autour de la compréhension du caractère écosystémique des questions environnementales et sociales. Si on est habitué à concevoir l’environnement comme un écosystème de milieux interdépendants (air, eau, sol) ou de thèmes interdépendants (changement climatique, gestion de l’eau, économie circulaire…), cette vision est moins commune pour les questions sociales. Pourtant, il y a différentes parties prenantes : les salariés, les fournisseurs et sous-traitants, les communautés voisines des installations, les utilisateurs finaux des biens et services.
Ensuite, il faut recadrer les différents sous-objectifs (par exemple : conditions d’emploi, conditions de travail, hygiène-sécurité) par rapport aux grandes références réglementaires internationales et européennes. Enfin, il faut définir des contributions substantielles pour les différents sous-objectifs.
4) Une méthode écosystémique de construction de la taxonomie sociale permet-elle d’identifier certains secteurs comme dans la taxonomie verte ?
Une telle méthode serait très ouverte. Pour certaines parties prenantes, elle est agnostique en termes de secteur. Par exemple, elle permet de valoriser des stratégies de formation permanente des salariés (certaines entreprises européennes, mais aussi asiatiques, assurent plus de 80 heures de formation par salarié et par an). Pourquoi des entreprises de certains secteurs ne pourraient voir leurs efforts en termes de formation valorisés ? Une approche sectorielle n’est pas pertinente sur ces critères. Pour d’autres parties prenantes, une telle méthode permet d’avoir une approche spécifique à chaque secteur, mais aussi de définir pour ces activités des critères d’efficacité ou d’impact social. L’accès à certains services considérés comme de base pourrait ainsi être valorisé.
Plusieurs initiatives de place, en France comme en Allemagne, vont revenir à une phase de réflexion dans les prochaines semaines. Nous espérons qu’ils sauront intégrer ces questionnements et les éléments de réponse proposés ici dans leurs travaux.■
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